Porte 0 - La bibliothèque

A partir du moment où Francis s’était retrouvé dans cette nouvelle salle, il l’avait regretté. Les militaires accompagnés d’une mitraillette ressemblaient de plus en plus à des ravisseurs qu’à des membres du gouvernement essayant de garder la paix au sein du bâtiment. La fouille ensuite mit le jeune homme un peu plus inconfortable, frissonnant en sentant les mains d’un des militaires le palper de partout pour être certain qu’il n’avait pas d’arme à sa portée. Francis ne sortait jamais qu’avec un couteau, qu’il n’avait pas pris cette fois-ci, dans toute sa confusion lié à ce qu’il s’était passé. Jamais d’arme à feu cependant, pas parce qu’il n’aimait pas les armes (il s’agissait d’un droit fondamental après tout), mais parce qu’il avait toujours été un très mauvais viseur. C’était la porte ouverte pour tuer quelqu’un par mégarde, ou bien louper quelqu’un assez de fois pour se faire prendre. Les armes à feu étaient aussi bruyantes et le recul avait tendance à peser sur ses bras.

Bref, pas d’arme, il n’avait plus qu’à attendre que le reste du groupe qui avait choisi la porte zéro finisse de se faire palper. Francis n’avait pas envie de se faire donner une arme, et espérait bien ne pas à avoir à se retrouver dans ce type de situation. Enfin, les militaires le chercheraient bien s’ils finissaient par se prendre une balle dû au fait d’avoir donné une arme au détective privé (c’était leur problème quoi). Le temps après ça, fut très long. Francis continua d’observer les différents militaires, s’approchant finalement d’un pour tenter de démarrer une discussion, qui ne s’avéra que très peu fructueuse, mais qui avait eu au moins le point positif de faire passer le temps. Mais il ne répondait pas spécialement, et semblait même ennuyé derrière son casque. Francis ne pouvait s’empêcher de repenser aux camps pour androïdes, de se sentir un peu en danger, entouré par ces mêmes militaires qui avaient désiré tous les détruire à l’époque.

Mais finalement, ils furent dirigés vers ce qui semblait être la bibliothèque de l’établissement. Une pièce très sombre, sauvée par les différentes bougies allumées un peu partout sur les tables. Ce n’était pas un environnement très rassurant, et Francis ne pouvait s’empêcher de s’attrister face au manque de technologie et de confort devant lequel ils faisaient face. Mais son visage se contorsionna dans du dégoût et de l’horreur en voyant le sang bleu étalé, des bouts d’androïdes répartis un peu partout sur la table. Les yeux écarquillés, le jeune homme n’a pas le temps de se rendre compte de ce qu’il se passe avant qu’un des travailleurs regarde le nouveau groupe, avec un sourire à faire froid dans le dos. Ils étaient invités à se mettre à l’aise, mais rien dans la salle ne permettait à Francis de le faire. Le sang battait dans ses oreilles, tant le mot danger sonnait dans sa tête.

Sur le qui-vive, Francis se retourna, pensant pouvoir peut-être sortir de la salle, il se rapprocha de la sortie. Malheureusement il semblait qu’il était piégé, comme tout le reste du groupe dans cette salle. Largement persuadé par l’armement des militaires, il se retourna vers la table, la bile grouillant au fond de sa gorge. Des actes désagréables mais nécessaires, un temps de guerre… Ils n’avaient aucune information, aucun moyen de comprendre si cela était vrai ou non. Une voix clama que c’était sans doute l’Opposition. Effrayante idée. Une partie de lui semblait tout de même vouloir éviter la résistance face au gouvernement. Ils n’avaient qu’à lui donner un travail, quelque chose à faire, qui pourrait l’occuper, répétitif si possible, quelque chose qui lui permettrait de lui faire oublier qu’il était un être de chair conscient. Francis aurait tout donné pour n’être qu’une simple machine.

Au lieu de cela, lui et une autre femme furent assignés à une table. Francis se laissa aller jusque-là mécaniquement, ne jetant qu’un rapide coup d’œil à sa partenaire peu éclairée par les bougies de la salle. Si Francis se souvenait bien, elle était avant accompagnée d’une gosse, mais il était compréhensible de ne pas laisser d’enfants pénétrer dans la salle. Ils avaient l’ordre de recueillir la batterie de l’androïde, androïde qui était encore vivant quelques minutes auparavant. Le sang de Francis sembla se refroidir considérablement en voyant le corps inerte de la jeune femme. Il se remémora les événements qui avaient précédé pour en arriver là, comme tout ne semblait n’avoir aucun sens, et qui ressemblait à une mauvaise blague d’Halloween. Mais au vue de la véracité de tout ce qui se passait sous ses yeux (qui pouvaient le tromper, évidemment), il était difficile de ne pas y croire.

Francis ne respirait plus, les yeux bloqués sur le corps de la femme éteinte, devant l’ordre qui semblait s’inscrire dans son esprit. Lui retirer la batterie. Une pensée qui se répéta au sein de son être, comme un ordre mal codé, mal transmis, incompréhensible. Pourquoi ? Un petit coup de coude le fit presque sursauter, ses yeux se levèrent vers la femme qu’il ne voyait qu’à peine. Elle ne comptait pas faire cela. Pourtant, c’était leur mission. Voulait-il le faire ? Non. Etait-ce intéressant de se soulever contre eux ? Non plus. Ils étaient bien plus armés, et les gens comme Francis et cette femme étaient dispensables. Retirer la batterie de l’androïde était un geste cruel, et le jeune homme ne put s’empêcher de se rappeler de son inutilité lors de la marche pacifique de Markus. Quand les siens avaient été tués encore et encore, et qu’il s’était retrouvé bloqué derrière la grille menant vers les camps.

Il refusait de se retrouver inutile à nouveau. Il refusait de faire quelque chose d’horrible à une pauvre femme qui n’avait pas demandé à être désactivée. Les lèvres tremblantes, il chuchota. « Je peux pas… » Exhalant finalement un souffle ténu face à l’évidence. Cette admission valait autant pour le fait de ‘buter des militaires’, que d’ouvrir une androïde désactivée pour y chercher sa batterie. Il regarda autour de lui, évitant du regard tous les cadavres et le sang, cherchant du regard l’homme en blouse blanche. Francis devait à tout prix recueillir des informations. « Pourquoi est-ce qu'il n'y a plus rien qui fonctionne ? » Peut-être saurait-il la réponse. Il continua, plus doucement, sous le ton de l’évidence, tentant de trouver une excuse. « La batterie est déjà à plat, l’enlever sert à rien tant qu’on a pas d’électricité. »

Smart ass, mais le sang (malheureusement pas bleu) circulant dans ses veines et dans sa tête battait au creux de son palais, dans ses oreilles, son torse. La pression écrasant tout ce qu’il était, la vaine envie de simplement obéir ressemblait à un salut contre son corps qui l’épuisait. Obéir lui ferait faire des choses terrible (et l’idée lui donnait envie de vomir), mais sans la possibilité qu’il ne meurt. Survivre demandait parfois se laisser tomber. Soi et ses principes.

Résumé :

Spoiler:

Toute la ville de Detroit n'a plus d'électricité, et nous on nous ordonne de faire une tâche qui ne peut pas aider la ville à récupérer l'électricité, je dois déconstruire quelques pièces d'ordinateur, avec quelques personnes qui faisaient la même chose que moi, et d'autres avaient d'autres tâches un peu plus ennuyante. Il fait assez noirs, on ne voit pratiquement rien, ce n'est pas évident de travailler dans ces conditions, mais on n'a pas vraiment le choix.

On ne pouvait pas partir, il y a un gars armé, il peut faire feu à tout moment, je regarde beaucoup aux alentours, je ne suis pas à l'aise dans cet endroit, j'ai envie de partir, mais je ne peux pas, ou alors je tente, et il n'y a pas beaucoup de chance que je sorte vivante.

Les tables sont remplies d'outils, qui ne sont même pas rangés, c'est le bordel, je pensais qu'on allait essayer de récupérer l'électricité, mais je me trompais, ou alors il fallait peut-être choisir la porte numéro 1, mais j'ai choisi la porte 0, ai-je bien fait ? Je ne le serais pas.

J'aurais dû rester chez moi, enfermée dans ma maison, tranquille, en attendant que ma batterie ce vide peu à peu, et en espérant pouvoir me charger très vite, mais je suis venu ici, et je ne peux pas faire marche arrière.

Un scientifique n'arrête pas de parler, c'est pénible, il ne sait pas fermer sa bouche, je peux lui apprendre s'il veut. Moi aussi je veux parler, mais je ne suis pas certaine que ce que je vais envie de dire leur plaise, donc je me tais, il peut donc faire la même chose, mais quand le scientifique commence à fermer sa bouche, c'est le militaire, qui nous demande de travailler et de rester calme, facile de dire ça quand on a une arme à la main.

J'ai envie de leurs gueuler dessus, mais malheureusement je n'ai pas le courage, mais même si j'avais le courage, je n'ai pas envie de me faire tirer dessus, après les avoir engueuler, pourquoi c'est à nous de travailler, pourquoi ce n'est pas le militaire qui travaille, et moi qui surveille, et je serais plus douée à surveiller qu'à enlever des pièces d'ordinateur, bref espérons que je sorte vite de cet endroit, sinon je vais vite m'énerver.

Celui qui se présentait comme scientifique était doté d’une arrogance que Francis ne voyait pratiquement que chez ceux qui avaient assez de pouvoir dans la vie de tous les jours pour se le permettre sans se prendre une balle dans la tête. Pourtant, cela n’empêcha pas le petit éclair de colère se présenter sous la peau de Francis, picotant ses nerfs, avant de reposer les yeux sur le corps de l’androïde qui nécessitait d’être délivrée de sa batterie. Pour le bien de la mission qui lui était confié, contre cette ‘guerre’ qu’importe ce qu’elle était. Il y avait toujours une grande possibilité pour qu’ils soient simplement en train de mentir. Le militaire et son arme veillait cependant à faire en sorte que tout le monde coopère. Francis releva les yeux vers Aria, qui avait souhaité ‘buté les militaires’. La résistance chez le jeune homme s’amenuisait.

Il repensa à sa mère, lorsqu’elle devenait violente, lorsqu’elle usait de sa voix forte contre lui, criant pour qu’il disparaisse. Francis n’avait aucune envie de se dresser contre des militaires, ou le scientifique, si tenté qu’il pouvait y perdre la vie. De plus, malgré le fait que cela puisse piquer son égo, l’homme en blouse blanche avait raison. S’ils arrivaient à recueillir assez d’information pour rétablir l’électricité, cela pouvait sauver beaucoup d’androïde. Enlever la batterie du corps de l’androïde sans vie permettrait peut-être de comprendre plus rapidement ce qu’il se passait, de sauver les autres. L’autre femme à ses côtés ne semblait pas avoir envie de le faire, ce qui faisait que tout retombait sur les épaules de Francis. Ils n’étaient pas armés, coincés dans la salle, et sans doute en grand danger s’ils n’arrivaient pas à rétablir l’électricité. Francis osa regarder à nouveau la table sur lequel était le corps.

Un nouveau frisson de terreur lui parcourut l’échine. Ses mains se levèrent près de l’abdomen de l’androïde, hésitant. Il prit une profonde inspiration, essayant de redevenir cet androïde qu’il avait été chez sa mère jadis. Laissant toutes autres pensées et désirs de côté. ‘Francis’ le déviant ne pouvait décemment pas faire ce qu’il s’apprêtait à faire. Mais la machine en lui pouvait. ‘Ça’ avait été capable de résister à la colère de sa mère, à ses coups et ses mots qui l’avaient fouetté presque autant que sa main sur ses joues. Francis la machine récupéra un des outils sur la table, vaguement conscient que non loin de lui, le feu d’une chandelle tombée. Sa main trembla quelques temps avec l’outil, mais il se convainquit qu’en tant que machine, ceci était un comportement inacceptable. Cela sembla convaincre ses circuits, qui se murent mécaniquement jusqu’au ventre de l’androïde.

Chassant ses pensées parasites, ces virus de ses processeurs qui impactaient sa concentration (ne l’avait-il pas vu quelques heures auparavant, lors de son arrêt ?), Francis découpa lentement le ventre de l’androïde, reconnaissant les différentes parties la constituant. Il avait rarement vu des androïdes ouverts, mais avec ses études, il connaissait les bases. La machine avait fait attention à ne pas couper de circuits sur l’androïde, dans l’idée de pouvoir conserver ses capacités un peu plus tard, si la guerre venait à être résolue sans plus de sacrifice de sa part. Une batterie était remplaçable, après tout. Francis reposa l’outil sur la table, ses mains se posant finalement sur l’emplacement de la batterie. Il n’avait pas lancé un seul coup d’œil vers l’autre femme qui s’était indignée auparavant, la machine vaguement consciente d’être accompagnée. Ses doigts finirent par agripper la batterie, comme un cœur humain entre ses doigts.

Francis laissa quelques battements passer dans ses circuits, avant de retirer la batterie dans un mouvement propre. Il la déposa sur la table avec soin, enfouissant au plus creux de lui-même la sensation de la bile remontant dans sa gorge. La machine lança un regard vers l’autre femme, puis le scientifique. Il ne parvint pas à reconnaître sa propre voix, quand elle s’éleva platement dans les airs. « Et maintenant ? » Il pouvait bien les faire à la chaîne, s’ils le souhaitaient, pour sauver ceux qui restaient, avec d’indices pour trouver la cause de cet arrêt, et, à terme, rétablir le courant.

C'était sa mission, apparemment.

Résumé :

Spoiler: