It began with a hello, and ended in hell (avec Jay)

Ça me faisait toujours bizarre d'aller au centre commercial. Le plus commun du temps, j'utilisais le net lorsque j'avais besoin de faire un achat. C'était plus simple comme ça, n'est-ce pas ? Chercher l'article désiré, comparer les prix sur différents sites de vente, acheter l'objet et - hop ! – nous le recevons le lendemain dans le confort de chez soi. Easy as pie ! Mais cette fois-ci, je ne pouvais point attendre après la livraison en date de demain ; Ian m'avait demandé d'aller chercher la nouvelle montre, confectionnée et produite par une société filiale de Cyberlife, directement en boutique. À croire qu'il me voulait hors de la maison, puisque j'aurais certainement été capable d'attendre jusqu'à demain pour me procurer le nouvel appareil.

L'article acheté et maintenant confortablement installé entre ma tablette et deux oranges dans mon sac à bandoulière, je sortais du centre commercial. L'air extérieur me faisait frissonner, si bien que j'ai dû resserrer mon foulard autour de mon cou pour me garder bien au chaud. Mon attention fût portée sur une jeune femme qui venait de retirer ses chaussures, laissant à découvert ses pieds dénudés blancs comme neige. Soudainement, j'enviais cette androïde. Les hivers à Détroit étaient particulièrement glacials, je rêvais de pouvoir ajuster les réglages de la température pour cesser de ressentir la douleur causée par le froid. Je ne dirais pas non pour me déchausser et marcher pied nu dans la neige. Justement, la jeune femme s'approchait maintenant de moi, laissant derrière elle les empreintes de pas sur le sol enneigé. Elle me demandait ensuite si j'avais un tournevis. Cette chance. J'avais effectivement une petite trousse de réparation rapide en cas de pépins - depuis les attaques contre les androïdes laissant les victimes souffrantes derrières, on n'était jamais trop prudent. Dans ce kit, il y avait effectivement un petit tournevis.

« Je… » commençais-je à dire en même temps qu'elle s'élançait dans une explication. Elle précisait qu'elle avait eu un souci avec un humain. Une attaque, peut-être ? Il y avait tant de personnes qui n'étaient toujours pas en accord avec la libération et les droits envers les androïdes. Cette simple pensée me donnait la nausée. « Ne t'inquiète pas, j'ai tout ce qu'il faut sur moi. » Je lui souriais naturellement, lui indiquant que je n'avais nulle intention de poser un geste regrettable. Je l'invitais à s'asseoir sur le même banc qu'elle était il y a quelques minutes. Je dois avouer que je n'avais aucunement pensé à entrer avec elle dans le centre commercial pour que puisse profiter d'un peu de chaleur. Je m'assoyais à mon tour, récupérant ma petite trousse d'urgence dans mon sac. Je sortais le tournevis en moins de deux. J'étais tenté de procéder à sa place pour l'aider, mais je me ravisais – à moins qu'elle me le demande, je ne ferais rien. Je lui donnais l'outil.

« Tu as du courage de revenir à Détroit. Depuis les massacres le mois dernier, rien n'est pareil. Tout le monde désire quitter la ville. » Les actes terroristes des Opposants n'avaient laissé personne d'indifférant. Les habitants de Détroit vivaient maintenant dans la peur, désirant soit déménager, soit "prouver" qu'ils étaient neutre ou contre les androïdes, pour ne pas compter parmi les prochaines victimes - si prochaine attaque il y avait, ne l'espérons pas. « Tu es en visite où tu comptes emménager dans le coin ? » lui demandais-je avec curiosité, sans réaliser que ma question était peut-être un peu trop personnelle à poser à une inconnue.

Pendant qu'elle réparait sa jambe avec le tournevis que je lui avais prêté, je lui avouais que je la trouvais courageuse de revenir à Détroit. Surtout si elle était une androïde, les risques étaient immenses (sans oublier pour les pro-déviants). La Nuit des Massacres ne s'était pas fait appeler la "Nuit des Massacres" pour le plaisir. Le nombre de victimes était terrible, j'en étais malade lorsque je repensais à tous ces décès injustifiés. Ian et moi avions décidé de rester en ville simplement parce que je travaillais à CyberHospital ; je pouvais aider ainsi que faire une différence parmi les pauvres déviants agressés. Cependant, je rêvais de quitter cette ville et de recommencer une vie ailleurs avec mon petit-ami. Si seulement je pouvais.

La jeune femme à mes côtés me répondait que si on partait, l'Opposition gagnerait. Elle ajoutais aussi qu'elle n'avait pas peur d'eux. Elle n'avait pas tort. Mais était-il mieux de connaître l'ennemi pour être capable de leur tenir tête ? Ils agissaient dans l'ombre, on ne connaissait aucun visage, aucun nom n'avait encore sorti du lot. « J'admire votre façon de penser. Je suppose que c'est vrai. Si tout le monde décide d'unir leurs forces et de cesser d'avoir peur, nous pouvons avoir des chances contre… contre l'Opposition. » J'avais hésité un instant avant de prononcer "l'Opposition". Le nom était trop médiatisé, trop doux. Je détestais, tout simplement. Nous devrions les appeler comme ce qu'ils sont : des terroristes et des meurtriers.

Je lui demandais ensuite si elle était en visite ou si elle comptait rester dans le coin. Elle m'avouait qu'elle désirait emménager, ayant même rapidement trouvé un emploi ; avec la pénurie d'employés que nous avons présentement à cause des Opposants et des Androïdes qui étaient maintenant libre de voyager et d'habiter où ils le désirent, on voyait énormément d'affiches dans les vitrines des boutiques, magasins et entreprises. Au moins, c'était un positif pour ceux qui se cherchaient du travail. « C'est bien ! J'ai deux-trois quartiers que je peux te propose, pour habiter. Plusieurs maisons sont vacantes -et au prix abordables- puisqu'il y a eu beaucoup de déménagement récemment. » Je me suis mis à rire légèrement. « Je vous jure que je ne suis pas agent d'immeuble. » C'était toujours plus facile de parler avec une androïde qu'avec une humaine, allez savoir pourquoi.

La déviante me redonnait ensuite le tournevis que je lui avais passé et elle se retournait dans une position où tout passant pouvait se faire des films en nous voyant. La jeune femme m'indiquait une vis à revisser. Parfait. Je me tournais légèrement pour me mettre à mon aise avant de commencer ma tâche. « Sans paraître indiscret, qu'est-il arrivé à votre jambe ? C'est très rare que je vois une androïde avec la jambe en difficulté. » Et j'étais "médecin" pour androïde et rare était les cas pour une jambe dévissée, à moins d'avoir couru sur une longue distance ou avoir été battus, ou autre types de raisons de ce genre. J'espérais que tout allait bien avec elle et qu'elle n'était pas trop endommagée.

Je réfléchissais à ses paroles. « La Brigade, » laissais-je échapper. Le rassemblement de policiers qui avait vu le jour il n’y avait que quelques semaines. Certes, rien ne prouvait qu’ils seraient à la hauteur et plus fort que les Opposants, bien que je misse tous mes espoirs sur le nouveau groupe. « J’espère que la BPAP vont faire la différence. » Si seulement j’avais raison…

J’étais ensuite curieux de savoir pourquoi sa jambe était en difficulté et elle me répondait tout simplement qu’elle avait couru une longue distance. Je ne pouvais m’imaginer quelle longue distance cette jeune femme avais parcouru, et j’espérais soudainement qu’elle n’avait pas fait de ville en ville à la course. Les androïdes étaient largement supérieurs aux humains, mais même les longues distances les endommageaient rapidement. Cette chance que cette jeune femme eût tombée sur moi, car une visite à CyberHostpital aurait été une priorité pour ne pas abîmer ses jambes davantage. Je laissais taire ma curiosité en ne demandant aucunement pourquoi avoir couru longtemps.

Elle m'annonçait ensuite qu'elle préférait faire sa maintenance seule. Bon, je n'allais pas la juger puisque j'étais toujours un inconnu, et ce, rencontré devant un centre commercial. « Aucun problème, je comprends ! Et si tu as d'autres soucis, n'hésite surtout pas à consulter à CyberHospotal. Il est situé sur Belle-Isle, » disais-je en souriant avant d'arrêter mes paroles pour reprendre : « ... Mais ça, tu dois déjà être au courant n'est-ce pas ! Avoir un GPS en tout temps, c'est sûrement bien pratique. » Ce que j'aimerais bien avoir aussi un GPS interne ; ça m'éviterait de me perdre à chaque fois que je décidais d'emprunter un chemin différent. « Du coup, enchanté de vous avoir rencontré ! Ce fut un plaisir de vous avoir aidé, aussi rapide soit-il. Et je n'oublierais pas cette promesse pour service rendu. » Je riais de plus bel tout en rangeant l'outil de secours dans mon sac. « Bon, on m'attend, » lui annonçais-je en me levant. « Ne sait-on jamais, à une prochaine fois ! »