The perfect friend || ft. Alice Williams

The perfect friend

@Alice Williams + @Charlie D. Moon

Je détestais l'école.

En fait, non. Ce n'était pas l'école que je détestais, mais les autres élèves de mon âge. Nuance. Moi, j'avais seulement envie de revenir à la maison avec maman. Je trouvais cela injuste devoir aller dans un établissement loin de chez moi. Ma mère pouvait m'enseigner tout, absolument tout ; c'était une androïde très intelligente et belle (c'est drôle, je suis même plus vieille que ma maman, elle est née en 2035 et moi en 2033). Suffisais à se télécharger les modules nécessaires pour m'apprendre les mathématiques, le français et l'histoire. C'était si simple. Et elle pourrait aussi m'enseigner son métier, être disc-jockey me plaisait énormément. Puis, on me disait que j'avais un talent avec la musique.

Je soupirais. J'étais dans la cour de l'école, isolée, à regarder défiler les gens à travers le grillage qui séparait les élèves et les adultes lambdas. J'avais tellement envie de sortir et d'explorer, plutôt que de me faire regarder bizarrement par les autres enfants. La liberté était si proche, je devais seulement essayer de me faufiler hors de cette prison. Les mains dans mes mitaines agrippées à ce dit grillage métallique, je lançais un regard derrière moi afin de voir si un de ces gardiens me surveillait. Comble du malheur, la réponse était oui. Ses yeux étaient rivés sur moi, sa diode était jaune, à croire qu'il savait que je voulais m'enfuir. Je me retournais pour porter mon attention sur les passants, comme à mon habitude depuis le début des cours. La journée allait être longue, je le sentais.

Vivement que la pause finisse bientôt. Les rires des autres gamins me donnaient envie de sangloter, m'apitoyant sur mon sort en me rappelant à chaque seconde que je n'avais pas d'amis avec qui m'amuser. Le froid de février ne m'aidait pas non plus à apprécier la récré. Je commençais à faire de petits bons sur moi-même pour empêcher ce froid d'hiver de glacer mon petit corps. Mes mains quittaient même la grille quelques minutes pour faire un peu de chaleur sur mes bras. Quelques petites larmes silencieuses venaient assombrir mon regard, mais ne coulaient pas ; j'avais trop de volonté pour qu'on ne se moque pas encore une fois de moi.

The perfect friend.

Alice avançait. Elle n'aimait pas ce qu'elle faisait. Désobéir n'était pas sa tasse de thé... Enfin, plutôt pas sa tasse de chocolat chaud, elle était trop jeune pour boire du thé. Pas qu'elle est réellement besoin de boire, aussi. Mais peu importe. Le fait était que la petite fille avait une nouvelle fois fugué, cette fois en pleine journée. Leilani mettrait encore moins de temps à s'en rendre compte, mais Alice ne voulait pas y penser. Elle devait trouver Kara avant que celle qui l'hébergeait ne la retrouve et ne lui passe un savon. C'est certain que la jeune femme ne pensait certainement pas avoir autant de problèmes en accueillant la petite androïde. Alice n'aimait pas causer du soucis à cette femme qui l'avait si gentiment accueilli, mais elle avait besoin de retrouver sa mère...

La petite marchait rapidement, emmitouflée dans son manteau. La vérité c'est qu'elle ne savait pas où chercher. Elle devrait peut-être aller voir la police ? Est-ce qu'ils pouvaient l'aider ? Ou est-ce qu'elle était vraiment, vraiment seule... ? Elle retenait ses larmes, tandis qu'elle passait devant une école. Elle s'arrêtait, l'observant en silence. Elle avait toujours voulu aller à l'école. Elle n'avait pas pu au Canada, à cause des risques qu'ils découvrent que Kara, Luther et elle étaient des androïdes. Malgré les lois absentes sur les androïdes, ils n'étaient techniquement pas autorisés. Alice ne s'était jamais plainte ; Kara lui faisait des cours. Mais plus de cours... Plus de Kara... Plus de Luther... Seule. Elle était seule. Alors que la fillette allait continuer sa route, quelque chose, ou plutôt quelqu'un, attira son attention. Une petite fille blonde était près du grillage. Elle semblait vouloir fuguer, comme elle... Elle semblait seule, comme elle. Intriguée et attristée par la mine maussade de la fillette, Alice s'approcha, profitant que les surveillants s'occupaient d'un gamin faisait un peu trop de chahut.

"Salut... Pourquoi tu es triste ?"

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@Alice Williams + @Charlie D. Moon

Toujours ces mêmes passants. Je les regardais défiler, me demandant quel était leur lieu de destination. Ce monsieur bedonnant, veston-cravate qui dépassait d'un long trenchcoat, accompagné de sa mallette brune, se dirigeait-il au travail ou se rendait-il à un mariage ? Et cette grande dame à la chevelure foncée dans son manteau gris bleuté à rayures orangées, je jugeais qu'elle se rendait en salle de sport pour s'entraîner. Et cette fille, beaucoup plus vieille que moi -je dirais d'un an ou deux-, qui était presque dissimulé sous son manteau, je pariais qu'elle venait de fuir l'école. Je la suivais du regard, n'ayant rien d'autre à faire pour m'amuser. Toujours les mains empoignant le grillage qui séparait la cour de mon école et le monde extérieur, je voyais la gamine aux cheveux bruns bouclés s'approcher davantage de moi. Je me préparais mentalement ; encore un autre gamin qui allait me crier des bêtises et me faire du mal. Je restais sur ma défensive tout en gardant ma proximité avec la grille, je n'allais pas me laisser faire, le grillage était ma protection, mon bouclier. Je savais qu'elle ne pouvait pas m'attaquer physiquement. Cependant, une fois à proximité, la fillette devant moi prononçait quelques paroles ; elle voulait savoir pourquoi j'étais triste. Elle n'avait pas à savoir ça ! Je rétorquais, peut-être un peu trop sec : « Je ne suis pas triste ! » Mensonge, j'étais vraiment très triste. Cependant, si je lui disais le contraire, peut-être qu'elle ne m'importunera pas. Je devais déjà supporter les autres enfants de ma classe, je n'avais pas envie de rajouter une nouvelle personne à ma liste.

Mais ma curiosité était plus grande que ma défense ; je voulais savoir pourquoi elle était là. « Pourquoi tu n’es pas à l’école ? Ta mère t’enseigne à la maison ? » Mon comportement avait changé du tout au tout, mais je ne m’en souciais guère. J’attendais patiemment sa réponse en la fixant de mes grands yeux bleus.

The perfect friend.

La petite fillette blonde sembla aussitôt sur la défensive. Quand elle répondit sèchement, Alice recula, ne voulant en aucun cas importuner la petite. Tu te demandais pourquoi elle semblait autant se méfier de toi… Elle était toute seule… Peut-être que ses camarades l’embêtaient ? C’était la seule explication pour son comportement assez agressif, un comportement qui traduisait une certaine peur, au final… Une peur d’être encore blessée. La petite androïde n’avait jamais connu l’école, elle ne savait pas ce que ça faisait donc… Elle ne savait même pas ce que ça faisait vraiment de parler avec des enfants de son âge. Leilani la faisait participer à des sorties gratuites avec d’autres enfants, mais il y avait tout de même une certaine distance qui faisait qu’elle ne savait pas vraiment ce que c’était que de vivre en compagnie d’enfants. Elle aimerait aller à l’école et avoir des amis, mais elle avait à peine une famille qui tienne sans se déchirer… Alors des amis ? Si elle n’était pas si triste, elle rigolerait certainement de cette idée idiote. Alice ne répondit tout d’abord rien à l’exclamation de la petite fille, avant de parler, un peu moins fort, un peu plus timide :

« Je vais pas te faire du mal, tu sais. C’est pas honteux d’être triste. »

Alice remarqua le changement de comportement chez la petite et se détendit aussitôt. L’agressivité ne mettait pas à l’aise l’enfant androïde. Le sujet de conversation non plus, à vrai dire… Alice détourna le regard.

« Ma mère m’enseignait à la maison, oui… Mais elle est tombée malade et est venue à Detroit pour se faire soigner, mais… Elle n’a jamais donné de nouvelles. Elle a disparu. Je la cherche. »

Se confier, c’était le meilleur moyen de gagner la confiance de la fillette. Et puis… Alice en avait besoin.

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@Alice Williams + @Charlie D. Moon

Je reconnaissais que je n'avais pas été très polie avec la fillette de l'autre côté du grillage lorsque je la voyais faire un pas en arrière, quand je lui aboyais que je n'étais pas triste. Je m'en voulais de l'avoir fait reculer, bien qu'il ne s'agisse seulement que d'un moyen de défense, car je n'avais pas envie qu'on m'embête une fois de plus. J'avais déjà mon lot d'intimidateurs ici à l'école, je n'avais pas besoin d'agrandir ma collection non désirée, surtout pas avec une grande à l'extérieur. Aussitôt, l'autre enfant me disait qu'elle n'allait pas me faire mal et de ne pas avoir honte de ma tristesse. Maintenant, c'était moi qui le dévisageais en me permettant un pas derrière. « Je n'ai pas honte ! Puisque je te dis que je ne suis pas triste ! » Qui essayais-je de convaincre, celle derrière la grille ou moi ? Je ne savais point le dire.

Cependant, je ne pouvais m'empêcher de lui demander ce qu'elle faisait à l'extérieur, croyant que sa mère s'occupait de son éducation à la maison, comme ces gamins à la télévision. Elle m'avouait que sa mère se chargeait de lui faire ses cours habituellement, mais qu'elle n'avait plus de nouvelle d'elle depuis qu'elle était tombée malade, d'où sa recherche. « Il n'y a pas d'hôpitaux dans ta ville ? » J'avais toujours cru que les hôpitaux, il y en avait partout. Je laissais une pause ; peut-être que "tomber malade" n'était qu'une excuse ? « Tu crois que ta mère t'a abandonné ? » demandais-je sans avoir pensé deux fois à mes paroles. Ma vie n'avait jamais été très rose et papillon, il était donc normal (malheureusement) que je croie à ce genre de choses. Je savais particulièrement que le monde était cruel, j'avais vécu dans une famille d'accueil négligente (et négligé), alors c'était normal qu'on "abandonne" quelqu'un. « Pourquoi tu penses qu'elle n'a pas donné de nouvelle ? » Décidément, je me montrais un peu plus bavarde que mon habitude.

The perfect friend.

La petite en face de Alice était clairement sur la défensive, à chaque parole que la petite androïde prononçait. Elle regardait son interlocutrice, silencieuse quelques secondes. Elle avait l’air triste et effrayée, un peu. La fillette aux cheveux bouclés ne savait pas trop si ce dernier mot était approprié. Alors, au lieu de répondre, elle commença par regarder derrière elle. Elle était toute seule et on pouvait clairement voir certains enfants regarder la blondinette d’un air moqueur. Les enfants pouvaient être cruels ; Alice n’en avait pas fait l’expérience, mais elle le savait des nombreux livres qu’elle avait lu.

« Les autres sont méchants avec toi, c’est ça ? »

Mais rapidement, le sujet avait dévié sur la situation de l’enfant androïde. Alice ne savait pas vraiment si elle voulait en parler ou même s’il était judicieux d’en parler. Mais la petite en face d’elle avait l’air gentille, alors tu t’étais confiée. Mais la conversation prenait un tournant qui ne te plaisait pas ; non ! Non, Kara ne t’aurait jamais abandonné ! Non… C’était pas possible ! C’était pas vrai ! Elle avait dit qu’elle reviendrait… Elle l’avait dit, elle avait dit qu’elles resteraient ensemble pour toujours. Détournant le regard, les larmes aux yeux, Alice répondit : « NON ! » avant de se calmer et baisser le ton en voyant que plusieurs regards s’étaient tournés vers elle.

« N-non. Elle a promis, elle peut pas m’avoir abandonnée… Elle… Elle est venue ici car on habite au Canada et… C-c’est une androïde, Maman. Ce qu’elle avait besoin pour être guérie était que à Detroit… »

Alice tripotait ses doigts, nerveusement, réfléchissant aux diverses raisons pour lesquelles Maman ne lui avait pas donné de nouvelles… L’abandon revenait à son esprit, mais Alice le chassait aussitôt, ne voulant même pas penser à cette possibilité. Elle ne voyait qu’une solution, quelqu’un s’en était prise à elle, l’avait enlevée… Ou alors elle avait perdu son téléphone ? Non, elle en aurait acheté un autre.

« Je sais pas… Elle… Maman est peut-être en danger… »

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@Alice Williams + @Charlie D. Moon

Je regardais à mon tour derrière moi. Il y avait deux types distincts d'enfants ; la première moitié me regardait et, sans même entendre ce qu'ils se disaient, nous pouvions clairement comprendre qu'ils se moquaient de moi pour je-ne-sais-quelle raison, tandis que tous les autres m'ignoraient, comme si j'étais invisible. En fait, j'aimerais bien être réellement invisible, ça me permettrait de me glisser hors de cette prison pour ainsi m'enfuir. Je reportais mon attention sur la fillette devant moi, cependant, je baissais la tête pour y "admirer" le sol asphalté couvert d'une fine couche de neige. Je n'avais pas besoin de répondre à la question qu'on me posait ; mon action renfermée valait mieux que des mots.

Curieuse, je lui demandais ce qu'elle faisait à l'extérieur, seule. Elle m'expliquait qu'elle n'allait pas à l'école, car sa mère lui enseignait. Enfin… elle lui enseignait avant que cette dernière ait tout simplement disparue après s'être blessée. La fillette avouait aussi que sa mère était une androïde et que Détroit était le seul endroit qui pouvait la soigner. « Pourquoi ne vas-tu pas voir la police si tu crois qu'elle est en danger ? » Je voulais bien lui indiquer le chemin jusqu'au commissariat, mais je ne connais pas l'adresse. « Ma maman est aussi une androïde ! Elle pourrait peut-être aider à la trouver ! » Pour moi, c'était une idée grandiose. Le seul problème, c'est que j'étais encore ici.

Une idée me parvenait alors ; à la place de chercher les policiers, nous pouvions tout simplement chercher sa maman. C'était si simple comme plan ! On n'allait pas tarder à entendre la cloche de l'école pour nous indiquer le retour dans les classes, du coup, c'était ma chance de sortir de ces grilles.

Comme prévue, la sonnerie retentissait dans la cour d'école. Je me retournais vivement pour m'assurer que tout le monde était loin et qu'on ne portait plus aucune attention sur moi. « Vite, suis-moi ! » Je me suis mise à courir en longeant le grillage. Après quelques mètres, nous arrivons à l'ouverture en guise de sortie et j'y ai déguerpi en agrippant la main d'Alice au passage. « Il faut courir avant que quelqu'un nous remarque ! » Ce n'était effectivement pas la première fois que je m'enfuyais avec ce même plan, malgré que la première fois, je m'étais fait repérer par le surveillant assez rapidement. En espérant que cette fois-ci serait la bonne.

The perfect friend.

Alice remarqua rapidement que son interlocutrice se renfermait... Elle décida de ne pas insister. Après tout, elle n'était pas en droit d'exiger des confessions de la part d'une inconnue. Seulement elle aurait aimé l'aider. Rapidement, le sujet revint sur Alice. La conversation avait été désagréable car elle avait tourné autour d'une des plus grandes peurs de la petite androïde : l'abandon. La simple pensée qu'elle puisse l'abandonner était insupportable. C'était simplement impossible pour elle : elle avait promis qu'elles resteraient toujours ensemble. Elle ne pouvait pas revenir sur une promesse, non ?

Alice chassa ces pensées de son esprit pour se concentrer sur les propositions. Elle n'avait pas pensé à aller voir la police pour une raison plutôt claire : quand elle avait fuit avec Kara et Luther, ils n'avaient pu compter que sur eux-même. La police, des humains ou bien encore des androïdes chassant d'autres androïdes, ne les aidaient pas, à cette époque et elle était restée dans cet état d'esprit.

« Je... Je sais pas. J'y ai pas pensé. »

Son regard s'illumina lorsque la fillette en face confia que sa maman était aussi une androïde. C'était un soulagement, car elle savait non seulement qu'elle pouvait la comprendre, mais en plus la mère de la petite pourrait sûrement aider Alice. L'enfant androïde retrouvait soudain espoir, alors même que son interlocutrice semblait préparer quelque chose. Profiter de la fin de la récréation, elle voulait fuir l'école apparemment. Désemparée, Alice suivit néanmoins sa nouvelle amie (est-ce qu'elle pouvait l'appeler ainsi ?) le long du grillage et l'instant d'après, elle sentait cette dernière attraper ses mains et l'entraîner dans sa fuite. Alice courait, un peu confuse et surprise de voir que la petite qui semblait si réticente à lui parler tout d'abord voulait maintenant l'aider.

« Attends ! Mais tu vas avoir des problèmes ! »

A vrai dire, si les surveillants les attrapaient, elles seraient deux à en avoir. Ils se rendraient rapidement compte qu'Alice n'était pas scolarisée ici et appelleraient Leilani. Oui, Alice avait peur, surtout lorsqu'elle remarqua en jetant un bref coup d’œil derrière que les surveillants essayaient de les attraper. Trop apeurée pour faire quoi que ce soit, elle se contenta de crier à l'attention de sa partenaire de fugue :

« Ils approchent !! »

Codage par Libella sur Graphiorum