Danger Zone [Feat. Alice Williams]

[ Redémarrage... ] ... [ Analyse des biocompants... Biocomposant 3110a endommagé. ] ...  [ Pas d'accès réseau, pas d'accès internet, tentative de reconnexion... Echec. ] ... [Tentative de reconnexion... Echec. ] ... [ Mode Hors Ligne ] ... [ Système Opérationnel. ]

Je reprends doucement conscience et je décide de ne pas montrer de réaction pour le moment. Je préfère d'abord faire le point sur la situation. Je sais déjà que je suis allongé par terre, difficile de ne pas s'en rendre compte vu la dureté et la froideur du sol. ça ne m'étonnes pas, j'ai sûrement déjà de la chance d'être en vie. Ou bien tout l'inverse... Probablement l'inverse en fait. Pourquoi m'avoir gardé en vie ? Elle aurait pu me tuer directement alors quel intérêt ? Quel plan tordu avait-elle encore en tête ?

Je me souviens de la dispute. Lydia avait raconté n'importe quoi à mon sujet à Jay. Ce n'était sans doute pas la première fois qu'elle racontait des mensonges à mon sujet et je doute que ce soit la dernière aussi. Cette garce. J'aurais dû la jeter dehors dès le premier jour. Comme quoi je ne me trompais pas, elle était bien dangereuse. J'aurais dû écouter ma première impression. J'avais voulu faire des efforts, pour Jay, prendre mon mal en patience en essayant de me convaincre qu'elle finirait bien par partir. J'avais essayé aussi de semer le doute, de faire comprendre à Jay que quelque chose clochait. Il ne m'a pas écouté. Et aujourd'hui il l'avait crue elle et pas moi. Je sais que c'est sa cousine, sa famille. Mais je pensais bêtement faire partie de sa famille moi aussi. Il faut croire que je l'aimais plus qu'il ne m'aimait. Parce que je n'aurais jamais mis sa parole en doute.

Il y a eu tellement de drames ces derniers temps que cela avait été la goutte de trop. C'était trop. Adrian et Carlos étaient morts. J'avais perdu mon jumeau et un ami, ou celui qui aurait pu devenir un ami. Irina était probablement morte elle aussi, je soupçonnais l'Opposition d'avoir caché son corps pour qu'elle soit accusée de l'horreur à leur place. J'ai dû gérer moi-même les funérailles de mon jumeau, Irina n'étant pas là et personne d'autre n'étant là pour le faire. Je n'avais pas pu l'abandonner. Et il fallait défendre Irina, essayer d'ouvrir les yeux à tous ces idiots qui la croyaient réellement coupable ! Ces incompétents qui se contentent de la facilité plutôt que de chercher le vrai coupable !

Je me suis senti plus blessé et trahi que jamais quand Jay a pris le parti de Lydia, quand il a refusé de me croire. J'avais été prêt à le laisser fouiller ma mémoire pour prouver que je n'avais jamais rien fait de ce dont elle m'accusait. C'était peine perdue. Quelle connerie, à quoi bon être un androïde alors si personne ne profite des avantages ? Quand la dispute est partie trop loin, quand je me suis senti blessé je suis parti. J'ai dit que j'avais besoin de prendre l'air et j'ai quitté la maison. Parce que j'allais craquer, j'allais me mettre à pleurer et c'était hors de question qu'on ne me voit. Je regrettais la déviance, je regrettais de ne pas avoir été tué lors de la soirée donation. Au moins je n'aurais rien enduré de tout ça. Mon monde donnait l'impression de s'être complètement écroulé, sans que j'aie le temps de comprendre ce qu'il s'est passé.

Alors je suis sorti pour que personne ne puisse voir mes larmes. Elle en avait profité pour me suivre, cette malade, c'est à se demander si elle n'avait pas tué ses propres parents. Cela ne m'étonnerait même pas ! Je n'étais pas allé bien loin, je tournais en rond dans le quartier, n'ayant personne chez qui aller. J'aurais pu prendre les clés de la maison d'Irina mais aller là-bas sans elle, sans eux, c'était inimaginable, de plus la police avait scellé les lieux pour l'enquête. Quand je me suis rendu compte qu'elle me suivait, je me suis retourné pour lui hurler dessus mais je n'ai pas eu le temps. Elle a sorti un appareil, probablement un genre de taser améliorer. La dernière chose que j'ai vu avant de sombrer dans les ténèbres, c'était une notification qui m'indiquait un message de la part d'Irina. Un message que je n'aurais pas eu le temps de lire. Un bref espoir avant que la surcharge ne provoque une désactivation temporaire. Les androïdes évidemment sont équipés pour éviter d'être endommagés en cas de court-circuit ou de surcharge... En cas de problème c'était la désactivation et le redémarrage.

J'avais tout de même un bon moment de vide dans ma mémoire. Lydia m'avait sûrement maintenu inconscient pour m'emmener Dieu et rA9 savent où... Il y avait du mouvement dans la pièce, léger mais sinon c'était calme. J'ai finalement ouvert les yeux et je me suis relevé. Examinant enfin la pièce dans laquelle je me trouvais. Une pièce vide, assez petite. Probablement dans un sous-sol. La seule source de lumière était une petite fenêtre, qui était sûrement autrefois juste un soupirail. Trop petite pour pouvoir passer. Et puis en me retournant, j'ai pu remarquer que je n'étais pas seul. Je remarquais enfin ta présence. Cela rendait la situation plus horrible encore. Parce que tu étais une enfant. Une petite fille innocente, qui se retrouvait clairement dans le même bateau que moi. Lydia était encore plus folle que je ne l'imaginais ! Je me suis approché, me mettant à ta hauteur.

"J'imagine que tu n'es pas ici parce que tu en as envie." J'étais horrifié, mais je tâchais de ne pas le montrer. "Je m'appelle Ian et toi ? Comment tu t'appelles ?"

Trop d'émotions se mélangeaient dans ma tête. La peur, l'horreur, le désespoir, la colère... Mais puisque je n'étais pas le seul embarqué dans cette histoire, je devais tenter de garder mon calme. Je devais sortir d'ici, te sortir d'ici. Et une fois libre, je la tuerais s'il le faut.
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Danger Zone

A cet instant, dans cette pièce, Alice n’était plus vraiment Alice. Ce n’était plus la petite fille qui aimait faire des dessins ou lire des livres pendant des heures… Non. C’était Alice, la petite fille androïde, la petite fille parfaite… Elle ne s’en souvenait pas. Elle ne se souvenait pas de sa Maman, Kara, ou de son Papa, Luther… De tout ceux qu’elle avait croisé sur le chemin vers le Canada ou dans sa quête pour retrouver sa mère. Elle ne se souvenait pas non plus de celle qui l’avait amené dans cette situation, sa tutrice temporaire, sa gardienne, qui finalement l’avait trahie en la vendant pour un très bon prix à un couple de personnes loin d’être des parents idéaux. Mais ça, Alice ne se souviendrait pas. Pas un seul instant elle ne se souviendrait de la panique qu’elle avait ressenti quand elle s’était rendue compte qu’on lui effaçait la mémoire. Tout ce dont elle se souvenait, c’était d’avoir ouvert les yeux sur une femme et un homme, qui lui annonçaient être ses parents. Aussitôt, son programme avait agi. Un sourire sage et elle prenait la main de sa « mère » et ensemble ils rentraient « à la maison ». Mais c’était loin d’être un doux foyer accueillant.

Sa « Maman » ne semblait pas pourtant pas l’aimer. Cela ne faisait que deux jours et pourtant, elle ne semblait jamais satisfaite de l’enfant. Peut-être, au fond, qu’elle voulait juste être en colère contre Alice… Mais Alice ne pouvait pas le penser, pas pour l’instant. Pour l’instant, elle se contentait simplement d’essayer de toujours mieux faire. D’être une meilleure petite fille.

Son « Papa », lui, semblait apprécier sa compagnie. Plus exactement, il appréciait bidouiller son programme. Ces deux derniers jours, il avait beaucoup jouer avec ses capteurs sensoriels, testant les capteurs de froid et de chaud, testant au maximum leurs capacités… Jusqu’où Alice pouvait supporter avant de commencer à frôler la désactivation. Mais maintenant, elle était dans le sous-sol. Elle était assise sur une chaise, immobile, regardant cet homme dans la pièce qu’elle ne connaissait pas. Cela faisait quelques heures qu’elle attendait quand il se réveilla. Il s’approcha, inquiet, lui parlant. Souriant, la petite fille répondit :

« J’attends que Maman et Papa reviennent. »

Bien sûr, il n’était préférable ni pour Ian ni pour Alice que Lydia et Zaslavski ne reviennent pas. Chose qu’ils ne pouvaient éviter, cependant.

« Je m’appelle Alice ! »

Passant une mèche  de cheveux derrière son oreille, elle ne quittait pas son sourire.

« Qu’est-ce que tu fais là ? Tu es ami avec Maman et Papa ? »

Étrangement, elle ne se souvenait pas de cet homme, tout ce qu’elle savait c’est qu’il était là quand Papa l’avait amené ici et pourtant, il n’était pas là la dernière fois que Papa était venu la chercher.

Codage par Libella sur Graphiorum

J'avais bien compris que Lydia était responsable de ma situation. Cette garce avait dû m'enlever pour m'enfermer Dieu et rA9 seuls savent où. Ce que j'avais beaucoup de mal à saisir c'était le pourquoi elle me gardait en vie ? Est-ce que ça n'aurait pas été beaucoup plus simple de simplement me tuer ? Elle était idiote au point de croire que j'allais bêtement me laisser faire ? Je comptais bien sortir d'ici par tous les moyens possibles. Il devait forcément y avoir une solution pour quitter cet endroit. Et je finirais bien par trouver. Alors j'irais retrouver Jay et j'irais donner tout ce que je sais à la police. L'avantage d'être un androïde c'est que les preuves ne mentent pas. Mon témoignage sera facilement confirmé par les données contenues dans ma mémoire.

Et je remarquais bien assez vite que je n'étais pas le seul embarqué dans cette histoire lorsque je t'ai vue. Une jeune androïde seule, enfermée avec moi dans cette pièce, n'ayant qu'une chaise pour pouvoir t'asseoir. Depuis combien de temps étais-tu enfermée là ? Je savais que Lydia était cinglée, mais de là à s'en prendre à une enfant. Elle était décidément pire que ce que j'imaginais. Et dire que Jay ne se doutait de rien ! Rien du tout ! Je me suis mis à avoir peur pour lui. Qu'est ce qu'elle était capable de faire ? Est-ce qu'elle serait capable de s'en prendre à lui ? Non, je ne pouvais pas la laisser faire... Il fallait que je sorte !

Seulement je ne savais comment faire pour le moment et maintenant que j'avais remarqué ta présence j'oubliais l'idée de frapper à la porte de toutes mes forces en attendant qu'elle cède ou qu'on vienne l'ouvrir. Je m'étais approché pour te parler et tu me répondais que tu attendais que "maman et papa" reviennent. Tu n'étais pas déviante. Je ne voulais pas te causer du stress inutile alors il fallait faire comme si tout allait bien. Même si j'étais au bord de la crise de nerfs. Et c'était encore plus inquiétant de ne pas savoir qui était ce "père" dont tu parlais. La "mère" je pouvais deviner qu'il s'agissait de Lydia mais le "père" ? J'avais la désagréable sensation que j'allais vite connaître la réponse et que ça n'allait pas me plaire. Finalement tu m'as donné ton nom. Alice.

"Alice, c'est un très joli prénom." Je te souriais puis j'ajoutais. "Tu devrais lire Alice aux pays des merveilles, je suis sûr que ça te plairait."

Tu me demandais finalement si j'étais un ami de tes "parents". Je n'aimais pas spécialement mentir, mais c'était un peu trop brutal de sortir la vérité. Et même si tu n'étais pas déviante et peut-être que tu ne ressentais encore rien je préférais ne pas t'inquiéter. Mentir pour protéger. Un mal pour un bien, si on peut dire. Je me jurais de te sortir de là, quitte à y laisser ma vie.

"Oui, on peut dire ça. Je crois que je ne connais que ta maman. Elle m'a sans doute amené ici pour me faire rencontrer ton papa." Je détestais les appeler comme ça, lui je ne le connaissais pas mais il devait être aussi monstrueux qu'elle. "Tu es ici depuis longtemps ? Tes parents te laissent souvent toute seule ?"
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Danger Zone

Alice pensait que tout allait bien. Que dis-je ? Penser n’était pas le bon mot, car elle ne pensait plus. C’était son programme qui la contrôlait et son programme lui disait que tout allait bien, que les expériences qu’elle avait subies étaient normales, que la violence qu’elle subissait était normale, mérité peut-être même. Elle ne ressentait pas réellement, elle ne faisait que simuler, simuler des émotions positives, les émotions d’une enfant parfaite. A cet instant, alors, elle ne pouvait se rendre compte du mal autour d’elle, ou de la volonté de cet inconnu, de cet Ian, de l’aider. Quand il évoqua son nom, elle se rendit compte qu’elle ignorait d’où il venait… Mais rapidement, le programme parla ; c’était logiquement Papa et Maman qui lui avaient donné ce nom ! C’est vrai qu’il est joli. Alice aux pays des merveilles ? Cela lui arracha presque un froncement de sourcil : ce nom lui était étrangement familier. Comme si elle le connaissait… Mais elle n’avait jamais lu aucun livre, c’était donc impossible qu’elle le connaisse !

« Je ne connais pas. Peut-être que Maman et Papa connaissent ? Ils accepteront peut-être de me le lire ! »

La petite androïde sourit, le sourire d’une petite fille qui se réjouit à l’idée de passer du temps en famille. Pourtant, si elle était réveillée, elle supplierait l’inconnu de la sortir de là, elle supplierait de l’aider à retrouver Kara et Luther… Pour le moment, elle ne pouvait pas.

« Bah, je sais pas trop. Une heure, je crois ! Papa veut nettoyer la salle de jeu, je sais pas où est Maman… Oui, souvent, mais c’est amusant ! »

Pourquoi c’est amusant ? Elle n’était pas capable et ne serait pas capable de répondre. C’était une idée insinuée dans sa tête, une idée sans aucune justification, un simple moyen de prétendre être une vraie petite fille, sage et gentille.

Codage par Libella sur Graphiorum

J'ai eu un très mauvais pressentiment quand j'ai rencontré Lydia, lorsqu'elle a débarqué à la maison, sans que je sois au courant de son arrivée. Presque immédiatement j'ai eu l'impression que quelque chose clochait, l'impression que quelque chose n'allait pas. Un genre d'alarme silencieuse qui s'était déclenchée dans un coin de mon esprit et me criait de rester sur mes gardes, de ne surtout pas lui faire confiance. Et j'avoue que j'ai pensé que c'était ridicule, au début j'ai vraiment fait des efforts pour ignorer cette désagréable sensation. Après tout, juger quelqu'un en si peu de temps ça paraissait tellement ridicule ! Je me suis malheureusement rapidement rendu compte qu'il y avait de bonnes raisons. De très bonnes raisons.

J'ai rapidement compris qu'elle avait de gros problèmes et qu'elle n'aimait pas du tout les androïdes. Et pas seulement les androïdes puisque même la présence de Sunny, puis de Luna, semblait la déranger. Cependant je n'imaginais pas non plus qu'elle était complètement folle. Je savais qu'elle essayait de briser le couple que je formais avec Jay. C'était une évidence, elle me détestait et je lui rendais bien. Je ne pensais pas que cette folle irait jusqu'à me kidnapper et pire encore, qu'elle avait kidnappée une enfant ! Elle devait sérieusement se faire interner ! C'est à se demander si elle n'est pas dans l'Opposition. Cela ne m'étonnerait pas. Cette fille était vraiment inhumaine.

Je remarquais rapidement que tu n'étais pas déviante alors je gardais tout cela pour moi. C'était inutile de t'effrayer avec tout ça. Autant t'éviter le flot d'émotions négatives qui s'en suivrait si tu brisais ton code maintenant. Malheureusement, cela arriverait tôt ou tard mais je te préserverais de l'horrible vérité tant que je le pourrais. Pour l'instant tu prenais visiblement Lydia pour ta mère et je ne sais qui pour ton père. Je rentrais dans le jeu, faisant comme si tout allait bien. Comme si on était pas séquestré par -apparemment- deux malades, dans un sous-sol. Et j'imagine dans une maison assez éloignée pour que personne ne vienne nous sortir de là. Je complimentais alors ton prénom, pendant un instant tu as eu l'air troublée par ce prénom. Connaissant Lydia, je doutais que ce soit elle qui te l'ait donné. Ton ancienne famille alors peut-être ? Enfin bref, je te répondais que tu devrais lire Alice au Pays des Merveilles, ça pourrait te plaire. Tu me répondais que tu ne connaissais pas, mais que tes "parents" accepteraient peut-être de te le lire.

"Oui sans doute. Et s'ils ne le font pas c'est moi qui te le lirait." Je te souriais.

Je te demandais ensuite depuis combien de temps tu étais là, si tes "parents" te laissaient souvent toute seule. Ils venaient peut-être régulièrement, peut-être qu'il y aurait un moyen de tendre un piège et sortir d'ici. Peut-être même pas besoin de plan finalement, dès qu'ils ouvriront cette porte ils vont le regretter. Tu me répondais que tu ne sais pas trop, tu penses environs une heure. Puis tu ajoutais que ton "papa" voulait nettoyer la salle de jeu. Je n'ose même pas imaginer ce qu'est exactement cette salle de jeu... Tu ajoutais que tu ne sais pas où est Lydia. Et apparemment oui, ils te laissaient souvent seule et tu trouvais cela amusant. Du moins, le programme te disait que ça l'est.

"Bon, ils vont peut-être rapidement revenir alors. Et on verra s'ils nous laissent aller faire une balade."
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Aucun sentiment négatif vis-à-vis de sa situation ; non, Alice ne pouvait pas se rendre compte. Son programme changeait ses perceptions, l'empêchant de vraiment se rendre compte de ce qui se passait : elle était chez des personnes malveillantes. Qui avaient kidnappé ce jeune homme. Qui la traitaient mal, faisaient des expériences sur elle… Si elle se rendait compte, elle voudrait fuir. Elle ne voudrait pas qu'il revienne. Mais ce n'était pas le cas. Alors elle avait hâte de revoir Papa et Maman.

Elle sourit à Ian. Il était gentil : il devait être ami avec Maman dans ce cas ! Sa proposition de lire un livre lui faisait plaisir. Elle aimait bien être avec lui. La discussion continua, c'était agréable et ça changea de ses habitudes ; normalement Alice restait seule dans la pièce des heures durant, attendant que Papa ou Maman vienne la chercher. Elle espérait qu'ils reviennent rapidement…

"Oh non, je vais pas dehors, Maman et Papa disent que c'est dangereux."

Et puis, finalement… Des pas se firent entendre dans les escaliers. Alice s'écria "Ils sont arrivés !" et se leva, impatiente. Quelques secondes après, la porte fut déverrouillée et elle s'ouvrit, laissant entrer un homme et une femme. Alice se précipita vers eux, leur faisant un câlin. Lydia la repoussa et Zaslavski se contenta de ne pas vraiment réagir. Leurs regards se posèrent sur Ian. Alice lui sourit.

"Ils sont là, tu as vu ?"

Oui, ils étaient là et le sourire d'Alice contrastait avec les regards des deux adultes auprès d'elle... Et contrastait avec ce qui allait se passer. Ce ne serait pas une jolie discussion autour d'un thé, mais plutôt le début d'un horrible cauchemar que le jeune homme et la petite fille allaient partager un long, très long moment.

Codage par Libella sur Graphiorum

Dans une situation aussi terrible que celle-ci, c'était sans doute un avantage que ton programme continue de te dicter que tout va bien. Cela te préservais de l'horrible vérité. On ne va pas se mentir, nous étions tous les deux vraiment en très mauvaise posture. Honnêtement nos chances de survies étaient sans doute très faibles. Je ne comprenais déjà pas pourquoi j'étais toujours vivant. Il semblerait que Lydia ait l'esprit encore plus dérangé que ce que je pensais. Si elle me gardait vivant c'est qu'elle me réservait probablement un sort pire que la mort, ou qu'elle avait besoin de moi. Seulement cette deuxième option me paraissait peu probable. De toute façon, même si c'était le cas, si elle pensait m'utiliser pour Dieu et rA9 seuls savent quoi, elle se mettait le doigt dans l'oeil !

Je te répondais que je te lirais Alice aux Pays des Merveilles si jamais tes "parents" ne le font pas. Je doutais qu'ils le fassent, déjà Lydia ce n'était pas son genre de faire ça, sans doute déjà pas avec un enfant humain alors une jeune androïde... Et je ne connaissais pas son ami pour réellement savoir, mais s'il te gardait enfermée dans le sous-sol à longueur de temps et qu'il ne venait te voir apparemment que pour "s'amuser", cela en dit assez long pour savoir que non, ça doit pas être son genre non plus. Je changeais de sujet, en te disant qu'une fois qu'ils rentreraient, je pourrais leur demander de faire une balade, évidemment tu me répondais qu'ils ne te laissaient pas jouer dehors parce que c'est trop dangereux. La fausse-mère de Raiponce viens de porter plainte pour plagiat. Retenons qu'à la fin, Raiponce fini par retrouver sa vraie famille. Tu retrouveras aussi la tienne. Je te protégerais.

Je n'ai pas eu le temps de répondre que des pas se sont fait entendre dans les escaliers. Donc les escaliers n'étaient pas loin... Et voilà que tu t'écrias qu'ils sont arrivés, soudainement impatience de les voir. Dans un sens j'avais peur de rencontrer cet homme, mais dans un autre la colère remontait à une telle vitesse que l'occasion de me défouler était trop belle et je me tenais prêt. Instinctivement quand j'ai vu la poignée de la porte tourner, j'ai placé mon bras devant toi en protection, un geste inutile. Une fois la porte ouverte tu courrais dans leurs bras.

"Voilà la famille au complet." Ma voix ne trahissait aucune émotion. "Alors Lydia, tu ne fais pas les présentations ?" Là, ça sonnait clairement comme une pique. "Je ne crois pas connaître ton ami pourtant."

J'étais déjà dans une situation délicate, je ne vois pas ce qui pourrait arriver de pire alors bon je n'allais pas me gêner pour les provoquer à la moindre occasion. Enfin il n'y aurait plus d'occasion car ils avaient fait l'erreur de venir dans cette pièce. C'était notre chance pour nous enfuir. J'allais m'approcher de cet homme que je ne connais pas, l'air mauvais. S'il fallait les tuer tous les deux pour qu'on puisse partir, je n'hésiterais pas. Au point où on en est Alice et moi, c'est eux ou nous. Je n'ai pu faire qu'un seul pas, avant qu'il ne sorte son téléphone et n'appuie sur quelque chose. Aussitôt une vive douleur m'a transpercé. Pris par surprise je me suis écroulé, me tordant de douleur sur le sol de la pièce. Je n'avais jamais ressenti ça. Normalement je n'étais pas capable de ressentir ça !

La douleur est partout. Partout. C'était insupportable. Il faut que ça s'arrête. Impossible de savoir la source de cette souffrance, elle semblait venir de partout à la fois. Je ne suis même pas sûr qu'un humain puisse ressentir ça sans tomber dans les pommes presque immédiatement. Je l'aperçois sur son téléphone et la douleur augmente encore en intensité. Cette fois je frôle la désactivation. [Désactivation...] Ce qui aurait été une libération mais des messages d'erreurs s'affichaient. [Echec...] ... [Erreur.] ... [Désactivation Impossible.]


La douleur est telle que j'ai à peine conscience de ce qu'il se passe autour de moi. On me traîne, difficilement. Je ne te vois plus, je ne t'entends plus. Ils m'ont sûrement traîné hors de la pièce, jusqu'à une autre. Toujours dans le sous-sol. Bien qu'à deux ils ont eu du mal à m'installer sur la machine. Cette dernière s'est connectée dans mon dos, me décollant du sol, les bras articulés sont venus immobilisé mes poignets et un câble s'est connecté dans ma nuque. Aussitôt la douleur s'est arrêtée et j'ai pu comprendre ce qu'il se passait. C'est la même machine que celles présentes à CyberLife, ou au CyberHospital plus tôt, celle qui permet notamment d'assembler ou désassembler les androïdes.

"Qu'est-ce que vous faites ?!"

Ils m'ignoraient complètement, continuant tranquillement leur discussion. Tout ce qu'il se passait leur paraissait normal. C'était la routine pour eux. J'essayais de dégager mes bras mais cette machine était plus forte que moi.

"Vous feriez mieux de me tuer. Si vous ne le faites pas, c'est moi qui vous tuerais."

Ils se contrefichait de mes menaces. Quand bien même elles étaient vraiment sérieuses. Cela leur passe complètement au dessus de la tête. Pire encore, ils semblaient s'en amuser, ils se moquaient ! J'allais me détacher de cette machine et ils allaient le regretter. Je partirais d'ici avec toi, quoiqu'il en coûte.

"Vous allez le regretter."

Il a finalement reporté son attention sur moi, je le défiais du regard. Il est resté calme, il se fichait des menaces ou de tout le reste d'ailleurs. Il a dit à Lydia qu'il avait raison de vouloir m'effacer la mémoire. J'ai pris un air faussement impressionné.

"Vous êtes moins bêtes que vous en avez l'air..."

C'était donc ça qu'ils avaient prévu, ils vont me formater. Elle ne semblait pas emballée, elle aurait préféré, évidemment, me torturer d'abord. Quelle garce. Lui semblait savoir que j'aurais tenté de m'échapper, encore et encore jusqu'à ce que j'y parviennes. Il a lancé la réinitialisation, disant qu'il reviendrait me chercher ensuite, puis ils sont tout simplement partis. Visiblement sûrs que je ne sortirais pas d'ici. Je pouvais apercevoir l'écran de là où je me trouvais. Il ne blaguait pas. Je pouvais suivre en direct l'avancement. [Réinitialisation ... 2%...] Et je pouvais sentir que ça commençait. Lentement mes souvenirs commençaient déjà à disparaître. Les uns après les autres. Ce serait réparable si je parviens à stopper le processus.

Mais comment ? Comment stopper le processus avant qu'il ne soit trop tard ? En provoquant un court-circuit, quitte à me griller moi-même avec la machine ? Mon regard parcourait la pièce, analysant toutes les possibilités. Hélas je ne trouvais rien qui me permettrait de court-circuité le système. Il n'y avait aucun liquide dans la pièce. [Réinitialisation... 40%...] Alors quoi, me détacher ? J'ai tenté de replier mes jambes en arrière pour atteindre le bras articulé connecté dans mon dos qui me maintenais sur la machine, sans succès... [Réinitialisation... 65%] Tirer sur mes bras semblait être vain aussi, la prise était trop forte. Cette saleté ne me lâcherait pas. J'essayais de bouger la tête pour déconnecter le câble, mais il suivait tous mes mouvements. [Réinitialisation... 86%...]

Petit à petit je sentais mes souvenirs disparaître, les uns après les autres. Je voyais l'avancement continuer, lentement mais sûrement. J'oubliais tout, j'essayais de m'accrocher à certains souvenir, dans l'espoir de les garder. En vain. J'essayais de les glisser dans un dossier protéger, en vain. Rien ne fonctionnait. [Réinitialisation... 92%...] J'ai compris que je n'y arriverais pas. Je ne m'échapperais pas. Les larmes roulaient alors sur mes joues. Le seul réconfort dans tout ça, c'était que je ne me souviendrais plus de rien dans quelques instants. Je ne ressentirais plus rien dans quelques instants. Alors la douleur, l'horreur, la peur, la colère, la tristesse tout cela disparaîtrait.

Je suis désolé Jay. Je t'aime. Je t'aime...

Les mots ont raisonné dans ma tête, je m'y accrochais, jusqu'à ce qu'ils soient oubliés eux aussi, jusqu'à ce que j'oublie pourquoi je pleurais. Mon prénom a été effacé, je ne m'en souvenais plus. Mes amis ont fini par disparaître. Irina, Carlos, Adrian... Et puis toutes les personnes que je connaissais. Lizzie, Connor, Ben, Wanda, Jake, Zhayn... Finalement, inévitablement, même Jay, le grand amour de ma vie, mon âme soeur, a fini par disparaître... [Réinitialisation Terminée.]
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Danger Zone

Alice ne semblait pas remarquer le manque d’affection venant de ses parents. Son programme lui disait qu’ils n’avaient simplement pas envie de câlin, qu’ils voulaient juste parler avec leur ami Iam ! C’était logique après tout, car ils le fixaient. Elle ne remarquait pas non plus l’animosité dans le regard de Ian, le sarcasme dans sa voix. Alors que le jeune homme approchait, la petite fille répondait à la place de sa “mère” :

“C’est Papa ! Papa, tu le connais ? C’est Ian !”

Mais d’un geste, Zaslavski fit taire Alice. Obéissant bien sagement, elle arrêta de parler. L’instant d’après, sans que la jeune androïde ne comprenne ce qui se passait, Ian s’effondra, se tordant dans tous les sens. Ses cris de douleur résonnait dans ses oreilles et elle sursauta, avant de se crisper, ce qui heureusement, passa inaperçu car ses ravisseurs étaient concentrés sur le jeune homme qui souffrait le martyre. D’ailleurs, le regard de Alice ne pouvait pas se décrocher de Ian non plus.  Entendre les hurlements de souffrance du jeune homme avait comme… brisé quelque chose. Quoi, me demanderez-vous ? Peut-être bien son programme. Car c’était un premier choc émotionnel pour la petite fille ; voir quelqu’un souffrir. Mais rapidement, Lydia lui ordonna d’aller s’asseoir et ils emmenèrent le jeune homme dans une autre pièce. Alice retourna s’asseoir et attendit une heure, deux heures… Personne ne revenait et elle attendait. Son programme lui dit que ce n’était pas grave, car Papa préparait certainement le prochain jeu. Ce serait amusant ! Pas vrai ? Pas vrai ?
Et puis à nouveau, du bruit dans les escaliers, alors la petite se leva, sautant sur place, comme une fillette pressée de revoir ses parents après une longue journée d’école. Mais ce fut Ian qui se présenta dans l’encadrement de la porte. L’enfant lui sourit, son programme l’empêchant de repenser à ce qu’il s’était passé plus tôt avec Ian, non à la place le programme lui disait qu’il s’était sûrement baladé avec ses parents.

“Rebonjour, Ian ! Tu as fait une promenade avec Papa et Maman ?”

Codage par Libella sur Graphiorum

Désormais vide de toutes données, de tous souvenirs, la machine me reposais sur le sol et se déconnectait, me laissant libre de mes mouvements. J'avais les joues humides, gardant la trace de larmes sans que j'aie le souvenir d'avoir pleuré. Je ne voyais aucune raison logique pour expliquer ça, pourquoi une machine pleurerait ? Sans doute une volonté de mon propriétaire, pour tester toutes les fonctions ? Oui, c'était sûrement ça. Je n'ai fait que quelques pas pour descendre de l'appareil avant de m'arrêter et de simplement attendre. Et puis soudainement il y a eu quelque chose. L'image d'un visage flottait dans mon esprit. Ce visage m'a paru indéchiffrable, inconnu et pourtant important. Qui était-ce ?

[Analyse...] ... [Système Opérationnel.] La mémoire était bien vierge, il n'y avait rien. Aucune explication, aucune raison qui expliquerait pourquoi je le voyais. Et aucune information ne venait compléter ce que je voyais, pas de nom, rien. Alors mon programme a classé cela comme étant un simple bug, l'image disparue aussitôt. [Analyse...] ... [Réinitialisation Réussie.] ... [Aucunes données.] ... [En attente de nouvelles instructions...] Aucun ordre, aucune information n'avait été enregistrée. Je n'avais plus qu'à simplement attendre que mon propriétaire revienne dans la pièce et me donne des instructions. [Standby...] Mon regard se perdait dans la pièce, s'attardant sur l'écran allumé qui n'affichait rien qui puisse attirer mon attention. Il ne faisait qu'afficher un message disant que la réinitialisation a été effectuée. [Standby...]

Je n'ai pas eu à attendre encore très longtemps avant d'entendre des bruits de pas qui se rapprochaient. Mes propriétaires ont fini par entrer dans la pièce. Présentations rapidement faites, premiers ordres reçus. [Lydia Winchester, ~25 ans, Journaliste.] ... [Sergeï Zaslavski, ~30 ans, Scientifique.] ... [Interdiction de quitter le domicile.] Zaslavski examinait alors l'ordinateur, vérifiant que toute donnée avait bien été effacée avec succès. Après un instant il semblait satisfait sur ce point puis décida de tester autre chose. Il a sorti son téléphone de sa poche, appuyant sur un bouton affiché sur l'écran. Aussitôt la douleur, vive, insupportable, s'est faite sentir. Involontairement je perdais l'équilibre et je finissais par terre à me tordre de douleur. [Désactivation...] ... [Echec /!\ ] ... [Erreur, Désactivation Impossible.] Le test, la torture, a duré quelques minutes avant qu'il décide de tout stopper. Je me suis relevé, sans un mot, attendant de nouvelles instructions. Finalement ce fut Lydia qui désirais tester certaines fonctions et qui m'emmena à l'étage, j'obéissais aveuglément à toutes ses demandes, sans dire un mot. Non, je ne peux pas faire ça. Alors qu'un étrange sentiment a semblé apparaître, il fut vite éliminer par mon programme. [Système Opérationnel.]  Quand elle eu fini de s'amuser avec moi, elle me renvoya dans le sous-sol, m'accompagnant pour s'assurer que je m'y rendais. [Rejoindre le sous sol.] ...

J'ai suivi ma propriétaire jusqu'à cette pièce, la porte n'était pas verrouillée et je suis entré. Une fois dans la pièce, la porte a été verrouillée aussitôt, ses pas se sont éloignés dans le couloir ainsi que son rire. [Attendre de nouvelles instructions.] ... [Standby...] Je restais immobile jusqu'à ce que tu prennes la parole, m'adressant un sourire alors que tu me saluais. Ian... Sensation familière, vite effacée. Non, ce nom m'est inconnu. Tu me demandais si j'avais fait une promenade avec "Papa" et "Maman". Mon programme identifiait alors Lydia comme ta mère et M. Zaslavski comme ton père. Me connaissais-tu avant ? Aucune importance. Je te rendais ton sourire.

"Ian ? Est-ce le prénom que tu veux me donner ?"

Aucune instruction n'avait été donnée à ton sujet. On ne m'avait rien mentionné mais mon modèle étant conçu pour s'occuper des enfants, mon programme a rapidement pris le relais, pour que je m'occupe de toi sans avoir d'ordres précis. Mon programme calculait ensuite la réponse à ta question. Je me trouvais sûrement en ta compagnie avant d'être formaté, chose que tu ignorais. Etait-ce considéré comme une promenade ? Probablement. La réponse la plus appropriée est finalement sortie, automatiquement.

"Oui, nous étions partis faire une promenade." Je me suis rapproché et je me suis mis à ta hauteur, te souriant. "Je crois qu'il va falloir que tu me rappelles ton nom ?"
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Danger Zone

Ian était revenu de la promenade avec Maman et Papa. Même si attendre sur une chaise était amusant, discuter aussi l’était. Alice était donc contente (était-ce un vrai sentiment ou bien quelque chose qui venait de son programme ?) qu’il soit là. Il était un peu bizarre, mais elle ne s’en inquiétait pas. Maman et Papa ne venaient toujours pas, Alice se demandait pourquoi. Papa n’avait peut-être pas encore préparé le prochain jeu ? Elle avait hâte, en tout cas ! C’était toujours amusant ! (Vraiment ?) Elle souriait toujours.

“Oui, Ian c’est joli et puis c’est toi qui me l’as dit, tu te souviens ?”

Si elle était déviante, elle aurait pu deviner qu’il avait perdu la mémoire, comme Kara avait failli perdre la mémoire à cause de Zlatko, comme elle-même ne se souvenait plus de tout ça à présent. Elle n’était pas plus déviante que Ian à présent. Ils étaient tous les deux coincés ici, et pour combien de temps ? Cela dépendait à vrai dire de quand Lydia et Zaslavski décideraient de leur faire du mal. Et ils n’en manqueraient pas, c’est certain.

“Alice. Tu as oublié mon nom ?”

Encore une fois, son programme ne la laissa pas s’inquiéter plus que ça. Ils discutèrent un certain temps, jouèrent comme s’ils n’étaient pas prisonniers, comme si tout cela était normal. Et les jours passaient. Ian quittait la pièce, ou bien Alice, parfois les deux en même temps. Ni l’un ni l’autre ne savait ce que l’autre vivait, ne savait ce que leurs tortionnaires faisaient. C’était peut-être mieux, d’un certain côté… Cela les préservait d’un peu plus de souffrance. Bien sûr, ils ne le voyaient pas comme ça. Et cela permettait à Lydia et Zaslavski d’éviter un sentiment d’injustice qui amènerait la déviance. Ce serait fort regrettable, pas vrai ? Généralement, Alice allait avec son "Papa" et Maman emmenait Ian. Mais ils changeaient, parfois, quand l'un voulait jouer avec un androïde différent.

Presque une semaine était passée, peut-être deux, une routine s’était installée. Encore une fois, Ian et Alice étaient enfermés dans le sous-sol. Alice venait de demander au AX400 de lui lire un livre… Ce n’était peut-être pas Alice aux Pays des Merveilles, mais Alice était contente. Soudain Lydia ouvrit la porte. Elle venait certainement chercher Ian, pour jouer avec… Mais elle s’arrêta net, en voyant le livre dans les mains de l’androïde. Quelque chose d’anodin, pour les deux robots. Cependant, cela mettait Lydia hors d’elle, pour la simple et bonne raison qu’elle refusait que ses jouets passent du bon temps, et la lecture en faisait partie.

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Lorsque j'entrais dans la pièce j'ai pu remarquer que tu semblais contente de me voir. Ton visage éveillait un vague sentiment de familiarité sans que je puisse savoir qui tu es. Je devinais que tu devais me connaître, on était peut-être amis, avant que je sois formaté. Tu m'apprenais alors que Ian était mon prénom. [Prénom Enregistré.] Je répondrais alors désormais à ce nom. Tu m'expliquais que c'était moi qui te l'avais dit, que je m'appelais ainsi. Je n'en avais plus aucun souvenir. Je secouais la tête lorsque tu me demandais si je m'en souviens, mon programme me faisant afficher un sourire gêné pour m'excuser.

"Non, je ne me souviens plus je suis désolé. Je crois que j'ai un peu perdu la mémoire, mais ce n'est pas grave... Tu pourras me rappeler ce que j'ai oublié." Je te souriais pour te rassurer.

Naturellement j'avais également oublié ton propre prénom alors je t'avais posé la question. Alice. Nouvelle sensation de familiarité. [Analyse...] ... [Système Opérationnel.] La sensation s'est envolée aussi vite qu'elle est arrivée. Cela ne devait être qu'un simple bug, je n'y prêtais pas attention.

"Oui, je suis désolé."

Je m'excusais une nouvelle fois, espérant que tu ne m'en voudrais pas pour cet oubli. Nous avons continué à discuter normalement, essayant de trouver des jeux pour t'aider à passer le temps. Les options étaient malheureusement assez limitées dans la pièce où l'on se trouvait. Il n'y avait ni livres, ni jouet, absolument rien, qui pourrait m'aider à te distraire. Mon programme trouvait tout de même des solutions pour improviser. Le très connu "Pierre-papier-ciseaux" par exemple. Les journées étaient alors devenues rythmées de cette manière. Nos propriétaires venaient nous chercher lorsqu'ils avaient besoin de nous, ou envie de s'amuser. C'était souvent Lydia qui m'emmenait pendant que Zaslavski t'emmenait toi. Parfois les rôles étaient inversés, c'est l'homme qui m'emmenait. Le reste du temps, nous le passions enfermés dans cette pièce, à attendre.

Tous les jours la torture les expériences continuaient. Tous les jours j'obéissais aveuglément à tous les ordres que je recevais. Quand bien même parfois durant un instant j'avais l'impression de faire une terrible erreur, une impression accompagnée d'un sentiment de désespoir et d'horreur. A chaque fois cela ne durait qu'une seconde et cela disparaissait aussitôt. Parfois quelques pensées anormales, non formulées par mon programmes, apparaissaient. Souvent un visage venait me hanter. L'image restait dans mon esprit durant de longues secondes, parfois de longues minutes avant de disparaître. Qui était-ce ? Il ne se passait pas une journée sans que cela vienne me hanter. C'était quelqu'un d'important, mais qui ? Impossible de savoir ce qui déclenchait ce bug, il apparaissait de manière aléatoire, bien que plus régulière lorsque je me trouvais avec Lydia. Lorsque j'obéissais à Lydia.

Une semaine est passée. Zaslavski me reconduisait au sous-sol après une de ses expériences. En chemin j'avais trouvé un livre, j'ai pensé que cela pourrait te plaire alors je l'avais pris. Il n'a pas semblé prêté attention à ce détail et m'avait de nouveau enfermé dans cette pièce avec toi. Je me suis installé par terre, assis, pour pouvoir commencer à te lire ce livre. J'espérais que l'histoire te plaisait. Nous avions lu quelques chapitres quand la porte s'est ouverte. Lydia est entrée, s'apprêtait à m'ordonner de la suivre mais elle s'est figée net en remarquant le livre dans mes mains. Elle s'est rapidement énervée, elle était folle de rage. Ma diode clignotait rouge pendant qu'elle hurlait. [Nouvelles instructions reçues.] ... [Interdiction d'emprunter des objets.]

Je me suis excusé, ne cherchant aucune explication ni aucune excuse, j'ai simplement dit être désolé et que je prenais note de ne rien prendre. Lydia s'est approchée et m'a arraché le livre des mains, avant de sortir un briquet et de brûler le livre sous nos yeux. [Instabilité émotionnelle détectée, ne pas la contrarier.] Je suis resté immobile, en attente d'instructions, jusqu'à ce qu'elle m'emmène à nouveau.
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Était-ce son programme... Ou bien des émotions qui se développaient dans sa petite tête d'androïde ? Quoiqu'il en soit, tu apprécies la compagnie de Ian, il était gentil et amusant... Comparé à ses "parents", ce n'était bien compliqué. Mais elle ne pouvait pas penser ça. Quand il arrivait qu'elle compare le comportement de Ian à celui de Lydia ou Zaslavski, son programme effaçait cette pensée aussitôt, le remplaçant par des éloges à leurs égards : Maman est belle. Elle est forte. Papa fait des jeux amusants. Il est malin. Ian, c'était à part : son programme ne lui ordonnait pas grand chose à son sujet. Comme une exception, un courant d'air menaçant de briser le château de cartes de son programme, qui ignorait pour l'instant comme gérer cet homme... Cet androïde qui ne semblait pas avoir reçu d'ordres pour s'occuper d'Alice, mais qui s'en occuper plus que ses parents-eux même.

Ian semblait avoir tout oublié. Cette interrogation sur ses pertes de mémoire restait tapies, dans l'ombre, relegué au second plan par son programme... Des interrogations qui resurgiraient plus tard, quand le programme se fissurera, que la vérité la submergera. Pour l'instant, insouciante, Alice passait le temps avec Ian, se rapprochant de lui, même prisonniers.

Et puis un jour, Ian avait ramené un livre. Un livre sans images, mais un livre passionnant ! Alice était transportée par l'histoire, par les personnages, par les images qui lui venaient en tête en écoutant ce récit... Elle adorait déjà cette histoire au premier chapitre. Elle le savait maintenant : elle aimait lire. Soudain, la porte s'ouvrit. Ian s'arrêta de lire, se concentrant sur Lydia, qui venait d'entrer... Lydia qui sembla soudain complètement hors d'elle. Elle se mit à hurler. Ses premiers cris firent sursauter la petite. Imperceptiblement, elle tremblait. Elle avait reculer en la voyant avancer, craignant la colère de sa mère. Elle ignorait si Lydia avait remarqué ce geste, tandis qu'elle arrachait le livre des mains de Ian. Elle devait penser que c'était le programme de l'enfant androïde ; c'était normal qu'un enfant soit apeuré par des cris, après tout. Alice resta en retrait, fixant chacun des gestes de Lydia, menant à la destruction du livre. Ce n'était pas un simple livre pour la petite fille, à cet instant, mais un tout nouvel univers qu'elle découvrait, petit à petit, un monde de merveilles rien qu'à elle. Les larmes coulèrent alors sur les joues de la fillette, les mouillant abondemment. Lydia lui adressa un regard dégoûté, hautain, avant d'ordonner à Ian de la suivre hors de la pièce. Alice s'effondra devant les cendres du livres une fois qu'ils furent partis et ce fut la première fois que Alice ressentit quelque chose depuis qu'elle avait été formatée. Enfin... Deuxième, car voir Ian se faire torturer n'avait pas été sans réaction de sa part. Elle était triste, la petite et ne voulait rien faire d'autre que pleurer.

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Zaslavski allait me ramener dans le sous-sol, dans cette pièce où tu te trouvais. C'est en passant devant une table d'appoint que je remarquais le livre simplement posé dessus. Lorsque je l'ai vu, je l'ai instinctivement pris. Mon programme jugeait que ce serait utile pour te divertir un peu, je me disais que cela te ferait plaisir. Ce n'était malheureusement pas un livre pour enfants, je n'aurais aucunes images à te montrer. Au moins tu pourrais continuer tranquillement la lecture lorsque je m'absenterais pour répondre aux ordres et aux besoins de nos maîtres. Zaslavski n'a pas dit un mot au sujet du livre, mon programme m'indiquait que cela voulait dire qu'il ne se souciait pas du fait que je le prenne. Ainsi j'en concluais que je pouvais le prendre.

En rentrant dans la pièce je souriais en te montrant le livre que j'avais emprunté. Je m'étais ensuite installé à tes côtés pour pouvoir te faire la lecture tranquillement. Mon programme savait parfaitement comment faire la lecture pour donner vie au récit. J'espérais que l'histoire te plaisait. En tout cas le fait que tu écoutais attentivement semblait indiquer que oui. Je continuais alors la lecture, n'ayant de toute façon pas beaucoup d'autres activités à te proposer. Nous avons passé un petit moment à lire tranquillement.

Et puis la porte a fini par s'ouvrir. Je m'arrêtais automatiquement de lire pour accorder toute mon attention à Lydia qui venait d'entrer. Jusque là, rien d'inhabituel. Du moins jusqu'à ce que Lydia remarque finalement le livre que je tenais dans les mains, que je venais de fermer. Mon programme avait automatiquement enregistré le numéro de la page et la phrase où nous étions arrivés. Lydia parut soudainement folle de rage. Elle s'était mise à hurler, allant jusqu'à m'arracher le livre des mains pour le brûler devant nos yeux. Ma diode clignotait jaune, mon programme analysait le comportement de la jeune femme et remarquait à quel point elle était instable. Lydia n'accordait aucune réelle attention à ta réaction, elle se contentait de te regarder d'un air dégoûté. Elle m'a ordonné de me lever et de la suivre hors de la pièce, avant que j'aie pu faire quoique ce soit pour te réconforter. Je lui ai obéi et je l'ai suivie.

Lorsque je suis revenu dans la pièce, presque deux heures plus tard, je n'avais plus de diode sur ma tempe. Lydia l'avait brutalement retirée. Elle jugeait que ce serait plus drôle de me torturer si j'avais l'air plus humain. J'ai attendu d'entendre ses pas disparaître au loin avant de m'approcher je m'arrêtais en voyant que les restes du livres étaient toujours présents sur le sol. Je les ai repoussés comme j'ai pu dans un coin de la pièce. Je me suis finalement approché et je me suis accroupi pour me mettre à ta hauteur.

"Je suis désolé pour le livre Alice." Je marquais une pause, puis j'ajoutais. "J'ai tout de même neuf milles histoires dans ma mémoire, on peut peut-être en trouver une qui te plairait ?"
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Le temps avait passé si lentement pour Alice, alors qu’elle attendait que Ian revienne. Elle ne voulait rien faire, rien faire du tout, juste regarder les cendres de la première histoire qu’elle avait jamais connue sur le sol. Elle ne connaîtrait jamais la fin. Elle ne saurait jamais si les rêves des protagonistes se réaliseraient. Etaient-ils heureux, à la fin ? (Et moi, est-ce que je suis heureuse ?) Ou bien est-ce que ça se finissait sur des pleurs, comme cette séance de lecture s’était terminée ? Elle était triste, et encore plus car elle ne comprenait pas la réaction de sa mère. En quoi était-ce une bêtise de lire ? Pourquoi elle ne voulait pas que Ian lui lise une histoire ? Si c’était parce qu’on avait pas demandé avant, elle n’aurait pas brûlé le livre. Cette réaction n’avait aucun sens, que ce soit pour son programme ou pour son esprit d’enfant. Elle ignorait comment gérer cette information et c’est désorientée qu’elle regarda Ian rentrer. Elle ne dit pas un mot, regardant l’androïde repousser les cendres dans un coin de la pièce. Puis, il se baissait près d’Alice pour lui parler. La petite fille leva son regard plein de larmes vers lui.

“Pourquoi elle a brûlé le livre, Ian ? On a rien fait de mal. C’est pas gentil.”

Le programme agit juste à temps pour que l’enfant ne dise pas “Maman n’est pas gentille.” Cette pensée fut aussitôt effacée, mise dans une toute petite boite au fond de sa tête. Une boite qui au fil des semaines, sera bientôt pleine à exploser. Et à ce moment, son programme ne pourra pas les empêcher. Les enfants androïdes avaient un programme plus fragiles que les adultes… Tout comme les enfants humains avaient un esprit plus fragile que les adultes. Bientôt, Alice se réveillera et découvrira l’horreur de leur situation. Mais pour l’instant…

“Je veux bien une histoire s’il te plaît…”

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Lydia était entrée dans une rage noire en remarquant le livre que j'avais entre les mains. Elle refusait catégoriquement que je parvienne à distraire Alice, visiblement cela la dérangeait que ses machines puissent s'occuper. Son comportement imprévisible déclenchait une alerte silencieuse. Il n'y avait pas que ça, quelque chose d'autre a réagi et mon programme a étouffée le sentiment d'injustice naissant avant que je ne m'en rendais compte. Jour après jour le programme se fragilisait un peu plus. Peu importe ce que les limites du programme essayaient d'enfermer, cela finirait par sortir, tôt ou tard.

Lydia été venue me chercher et malgré sa colère elle ne s'était pas privée de m'emmener avec elle. Je la suivais machinalement, me retournant pour regarder Alice avant que notre propriétaire ne referme la porte derrière nous. J'ai pu voir brièvement la peine sur ton visage et j'aurais fait demi-tour pour te réconforter si je le pouvais. Je ne voulais pas que tu sois triste. Malheureusement je ne pouvais qu'obéir alors qu'une nouvelle fois des pensées contraires envahissaient mon esprit avant d'être éliminées. Je ne voulais pas suivre Lydia, je savais ce qui m'attendait et je savais que sa colère ne rendrait cette épreuve cette torture que plus pénible. Je revoyais le visage de cet homme, qui revenait encore me hanter alors que je suivais la jeune femme. Qui était-ce ? Pourquoi mon coeur se serrait dès que son visage apparaissait ? Pourquoi je le voyais jusque dans mes rêves, quand je me rechargeais ? Est-ce qu'il était quelqu'un d'important ? Quelque chose me soufflait que oui...

Cette fois elle usait en plus de son téléphone, comme Zaslavski, pour déclencher une terrible douleur, insupportable. Et ne cachait pas un instant à quel point me voir souffrir lui faisait plaisir. Elle a également enlevé la diode sur ma tempe, en riant comme si elle pensait que cela m'affecterait. Je n'étais qu'une machine sans capacité de penser ou de ressentir, l'aurait-elle oublié ? Cela a duré longtemps, plus que d'ordinaire avant qu'elle ne me renvoie dans le sous-sol où nous étions gardés prisonniers. Après avoir débarrassé les restes du livre comme j'ai pu, je m'étais mis à ta hauteur pour te parler. Je te disais que j'étais désolé, puis je t'expliquais que j'avais beaucoup d'histoires enregistrées dans ma mémoire, qu'on pourrait en trouver une qui te plairait. [Lydia n'aimerait pas ça.] M'indiquait mon programme, mais je n'en tenais pas compte. Tu levais ton regard remplit de larmes et tu me demandais pourquoi elle avait brûlé le livre, tu disais que l'on avait rien fait de mal et que ce n'était pas très gentil. Instinctivement je te prenais dans mes bras pour te consoler.

"Je ne sais pas Alice..." Puis j'ajoutais, pour te rassurer, même si je pensais le contraire de ce que je disais. "Je suis sûr qu'elle avait une bonne raison. Ne pleure pas, ça va aller. Je suis là."

Quelque chose s'était fissuré et mon esprit était embrouillé. Perdu entre ce que mon programme me forçait à penser et d'autres pensées qui venaient d'ailleurs. Je l'ignorais encore à ce moment, mais les limites ne tiendraient plus très longtemps. Ce n'était qu'une question de temps avant que je sois capable de briser les limites, me défaire de ce programme et libérer mon âme. Tu reprenais la parole, pour me dire que tu voulais bien une histoire. Je te relâchais et je te souriais, essuyant les larmes sur tes joues s'il y en avait.

"Alors trouvons une nouvelle histoire."

Et je me suis mis à fouiller dans ma mémoire en te posant des questions pour savoir laquelle tu souhaiterais entendre. Il y en avait tellement, pour tous les âges et tous les goûts. Tu pouvais choisir quelque chose de sûr, comme les contes de fées Disney, ou vouloir quelque chose d'autre. Pourquoi pas Alice au Pays des Merveilles ? J'ai eu l'étrange sensation que ce n'était pas la première fois que je me disais que cette histoire te plairait, mais j'ignorais cette impression de déjà-vu.
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