Au détour d'un café

Le centre-ville était, comme d’habitude à cette heure de la journée, on ne peut plus bondé. Humains et androïdes allaient et venaient dans tous les sens, vaquant à leurs propres occupations, accompagnés ou non.

En ce qui le concernait, c’est en solitaire qu’Archie sortait, les bras aussi légers que le cœur, d’un petit magasin de musique tenu par un Androïde. La guitare de sa jeune maîtresse ne lui avait pas été pas lourde, mais il admettait tout de même qu’il se sentait bien moins encombré qu’à son arrivée. Cela ne le gênait pas, cependant. Il fallait bien que quelqu’un répare l’instrument de musique de Michèle, car ses propres fonctionnalités ne lui conférait pas l’expertise nécessaire à l'accomplissement de ce genre de tâches. Enfin, cela ne l’avait pas empêché d’essayer. Et d’empirer le problème. Cela avait bien fait rire la jeune fille,  mais lui un peu moins.

Enfin. Tout cela était derrière lui et le problème serait à terme réglé. L’androïde tourna rapidement les talons pour s’engager sur un chemin qu’il connaissait bien. Son propre GPS avait déjà fait le calcul de l’itinéraire le plus court pour retourner à la maison des Moore : l’arrêt de bus n’était qu’à quelques rues d’ici. En trente minutes, il serait de retour largement à temps pour préparer le repas du soir.

Il quitta la grande place ponctuée d’innombrable devantures vitrées pour se fondre dans la foule. Ca grouillait, s’agitait, se pressait, un peu comme des fourmis en plein travail. Lui-même l’était, à sa manière.
Mais ces petites insectes se contentent de regarder devant eux, les antennes dressées vers leur but. Lui, il ne pouvait s’empêcher de lever légèrement la tête pour voir le reste du monde.

L’odeur du café emplissait l’air, maintenant qu’il arrivait à proximité des brasseries, restaurants et cafés du centre-ville. La journée était particulièrement belle. Même parmi les grattes-ciel, il était encore possible de voir le magnifique ciel bleu qui surplombait la ville. La lumière du jour se reverbérait sur quelques vitres d’immeubles et colorait les habitations d’une chaleur qui contrastait avec la tristesse du métal et du béton.
Et cela … cela le faisait vibrer de l’intérieur.

Et de l’extérieur. Enfin, plus qu’une vibration, il s’agissait d’un véritable choc. Par réflexe, il jura.

Sans s’en rendre compte, distrait par la beauté d’un spectacle que personne d’autre que lui ne regardait, il était rentré en plein dans une passante qui n’avait pas eu le temps de l’esquiver. Il vacilla, manquant de laisser ses lunettes - mais il parvint cependant à garder son équilibre. La jeune femme eu bien moins de chance que lui. Autour d’eux, la foule les contournait en les ignorant à l'exception de quelques individus qui se tournèrent légèrement pour leur jeter un regard interrogateur, mais sans pour autant stopper leur course.

La LED du grand blond vira automatiquement au jaune tandis que ses yeux s’écarquillèrent légèrement sur le coup de la surprise et de la nervosité. Automatiquement, il vint au secours de la pauvre brunette qui essayait de se relever. D’un geste précipité, il s’agenouilla près d’elle pour lui venir en aide.

« Ah- euhm– je – euhm- je suis vraiment, vraiment désolé mademoiselle je ne vous avais pas vu – j’aurai dû faire attention je sais mais-- ah ... »

Et voilà que les erreurs de son système le reprenaient d’assaut. Il se força à se taire, sinon il allait déblatérer pendant des heures pour s’expliquer. Il se reprit à temps, lui offrant sa main.

« Est-ce que … est-ce que ça va aller ? »