Carlos Santiago - More alive than many

Je me souviens du jour de ma renaissance. Il a fallu me réanimer sur la table d'opération et j'ai perdu le temps, ayant l'impression d'assister à ma propre construction alors qu'une multitude de professionnelles luttaient contre la mort. Je ne peux pas raconter les fois où j'ai dû me réveiller dans le flou et confus. Mon premier véritable souvenir consiste à la sensation de mon corps en absence de douleur. Au toucher des draps contre ma peau. À l'odeur des fleurs. À la chaleur du soleil perçant par la fenêtre. Aux voix de mes parents parlant d'un conte qu'ils m'avaient lu et que j'avais apprécié. C'est peut-être absurde, mais je ne voulais pas que le plafond ait l'honneur de mon premier regard. J'ai voulu m'assoir, tendre les bras vers eux et attendre d'être certain qu'ils soient devant moi pour ouvrir les paupières. J'étais reconnaissance d'être vivant. D'avoir leur soutien. La première vision de cette chance de vivre fut l'amour de mes parents soulager. Il y a des années,  ma vie n'aurait pas pu être possible. La maladie aurait fatalement détruit mon cerveau sans miséricorde. Le 7 octobre 2036, j'ai reçu le don de la vie.


C'est étrange cette sensation de vivre lorsqu'on a déjà fait le deuil de soi. Présentement je me sens vivant, sain et en paix. Toutefois, l'opération aurait pu être un échec ou plutôt, simplement un acte trop difficile à accomplir. L'espoir avait été grand et sans lui il n'y aurait pas eu de tentative, mais la réalité de la situation ne pouvait être niée. J'ai dû envisager de mourir. J'ai accepté cette possibilité et mon sort. Tellement de choses ont pris du sens et bien d'autres sont devenus futiles. J'ai eu peur, j'ai été en colère, j'ai pleuré. Cela semble si loin. J'en suis maintenant détaché, comme si c'était des faits plus que des souvenirs. Je ne suis plus un mourant, une pitié ou une compassion. Je ne suis certes pas devenu immortel, mais le futur est si immense maintenant. De retour à la maison familiale, dans ma chambre, j'ai retrouvé les lettres, cahiers, tout écrit fait dans ce qui aurait pu être mes derniers moments. J'ai relu à propos de la fierté envers ma mère, le besoin de rassurer mon père qu'il avait fait tout son possible, la supplication de croire en mon amour et qu'ils avaient été les meilleurs, que même si c'était souffrant, j'avais toute la confiance du monde en eux et en ce qu'ils pouvaient encore faire de bien l'un pour l'autre. Je fixais la liste des gens que je connaissais : des amis d'enfance, des fréquentations d'écoles, la première fille que j'ai embrassée, mes camarades de sport pendant l'été, mon groupe de soutient en ligne et certains pseudo dont je n'avais malheureusement aucun moyen de contacter. J'avais voulu et dû classé les gens pour savoir si et comment j'allais annoncer ma mort. Certaines lettres étaient prêtes à être postées, d'autres ne seraient jamais écrits. Peut-être que certains d'entre eux m'avaient oublié et je les aurais donc forcés à se souvenir de moi juste pour éprouver la tristesse ou l'indifférence de ma perte.  

Je m'étais beaucoup isolé socialement lors de ma descente en santé. La famille avait été ancrée dans la misère, mais j'avais fait cet éloignement sacrificiel avec les autres. Loin des yeux, loin du cœur. Ou alors je n'avais pas la force de faire pleurer autant de gens même s'il y avait une partie de moi touchée d'être tant apprécier. Une hésitation entre vouloir avoir une importance et immense valeur tout en ne voulant pas laisser les gens souffrir. C'était une conclusion que l'approche de la mort m'avait apportée : lâcher prise sur l'opinion des autres envers moi. Je n'ai jamais été la personne y accordant la plus grande importance, mais c'était un besoin inévitable. J'avais la chance d'avoir une vie familiale idéale qui n'avait pas fissuré mon estime de soi au point de rechercher l'approbation d'inconnus pour une validation viscérale. J'avais eu comme tout le monde des pensées intrusives de culpabilité infondée, me demandant si j'étais le meilleur fils, un bon ami, une bonne personne. C'était si éprouvant et pourtant si simple d'avoir eu comme mission d'uniquement survive à mon propre corps un peu plus longtemps.

J'avais eu l'excuse extrême pour ne rien faire et tenter. L'obligation parfois. L'école n'avait plus été une priorité ou un désir. Autant je ne détestais pas ma scolarité avec une haine passionnante, autant je n'avais aucune envie de faire des devoirs sans que ce soit une nécessité pour mon futur. J'avais des ambitions plus courtes comme me questionner si j'allais être vivant assez longtemps pour voir un certains film ou fin de série. Maintenant, j'allais faire un retour en classe dans quelques mois. Mon père insistait que je pouvais encore attendre, que personne ne m'imposait quoi que ce soit et que j'avais besoin de repos, surtout pour ce choix de carrière spécifique. Surtout, car cela m'éloignerait de la maison. J'avais encore le temps. J'avais désormais du temps. Je me sentais parfois philosophe à regarder les étoiles qui selon la science était à des années lumières, provoquant le fait qu'elles pouvaient être éteintes tout en nous faisant encore parvenir leur image. Combien de temps mon image aurait-elle hanté mes proches? Combien de fois auraient-ils entrepris une conversation pour s'arrêter dans la réalisation que je n'étais plus là pour les entendre? Cette pensée ne serait à rien, c'était un si dans une mer de possibilité. Une situation qui avait eu une statistique de probabilité frôlant le cent pour cent, mais qui ne s’était pas réalisée. J'étais là. Je pouvais réfléchir à l'avenir. Je ne voulais pas être dans la peur et rester cloitrer dans l'horreur des derniers mois. J'ai été l'étoile filante s'exauçant son propre vœu : celui de pouvoir encore briller. Avec ça l'on pourrait penser que mon désir le plus cher serait d'être une vedette, mais que nenni. Loin de tout glamour, je voulais en fait être un policier. Héros sans cape, jeu d'enfant qui n'a jamais quitté, vocation instinctive sans justification. Le plus important : un choix réalisable.


Il faut croire que mon cerveau a moins été grugé que je ne le pensais puisque j'ai passé les examens sans la moindre erreur. J'absorbais véritablement les écrits, ennuyeux ou passionnant, passant à travers les cours avec aisance. Mes parents avaient un peu négocié avec le système pour une scolarité un peu différente, inquiète pour ma santé. Le physique serait jugé plus particulièrement vers la dernière année, donnez une chance à mon corps de réparer les troubles cachés de la rémission. Ma scolarité avait été perturbée et je me retrouvais avec des inconnus en tant que coéquipier. J'étais très social, mais dans aucun groupe, clique et certainement pas celui qui serait populaire parmi ces gens compétitifs à la compétitivité dans le tapis. J'étais peut-être injuste envers eux, car se devait surtout être les vestiges de mon isolation volontaire, la perte de mes amitiés antérieures/ dans la vie quotidienne. J'ai pris le temps de retour ceux que j'avais délaissés, expliquant mes pensées et juste appréciant le retour. C'est juste qu'ils n'étaient pas là. Je gardais pour moi le plus possible mon background personnel que ce soit la maladie, l'aisance monétaire ou mes parents. Ou cela était en fait juste des excuses et j'étais juste dans la réalisation que j'étais loin du foyer malgré tout leur support. Loin des amis. Dans un nouveau monde si tôt après ma presque mort. Il n'y avait aucun regret. Je ne pouvais pas rester dans le doute, l'hésitation et juste me complaire à la maison sous la fortune familiale. Je devrais peut-être devenir ce gars qu'on voit dans les films avec sa guitare dans les cours d'école. J'avais malheureusement laissé l'instrument à la maison. Soupir dramatique en cours.

Alors ensuite, la solitude s'est fait botter dans les couilles par la rouquine hawaïenne/russe qui avait juste soudainement décidé d'être ami avec moi parce que. Elle m'a regardé. Je l'ai regardé. On s'est regardé. Et puis j'ai fait de même. Bam, amitié. On a rendu le passage du temps beaucoup moins monotone, s'échangeant des différences culturelles, des bizarreries du Net, bitchant ensemble les plus cons (il y eut de nombreuses victimes) et partageant le titre de l'élève le plus volubile de l'école. Ça a juste cliqué. Tellement que nous avons emménager ensemble en temps que colocataire fraichement sortie avec le diplôme avec une maison simple qui serait le dernier cadeau parental (en tant qu'endosseur, car notre crédit de jeunes étudiants était pas si fameux). Enfin, de sa part, les miens s'assurant encore qu'au moins ma chambre soit la plus confortable du monde avec un lit spécialement adapter à ma position de porcelaine fraiche à ne pas casser. Ça, c'était un truc que nous n'avions pas en commun : l'intérêt et la protectivité des parents. En résumé, c'était comme si nous étions un couple sans romance ni sexe. Sauf que ça va encore plus loin, car même niveau carrière, nous avions la même. Idem pour la station. La concrétisation des responsabilités, du statut d'adulte, de vivre en tant que personne normale de la société.


La rébellion des androïdes allait impérativement changer le monde. C'était le cauchemar éveillé de la science et de l'humanité comme le Terminator et toutes les autres fictions ayant prévenu du désastre de l'intelligence artificielle. Sauf que c'était maintenant une réalité. Une multitude d'êtres au libre arbitre, plus fort, plus intelligents, potentiellement moins moraux. C'était une catastrophe. Même sans une guerre, il y aurait des répercussions qui allaient définitivement tomber sur Cyberlife. Sur mon père. Il était le responsable de les rendent méconnaissable dans la foule, facilement confondue avec des humains. Permettre d'émettre des sentiments. De les rendre vivants en somme. Les androïdes déviants étaient perturbants. C'était une perte de contrôle. C'était dangereux. Et tu sais quoi Irina, les considérer vivants et égaux aux humains ne changeait pas le fait qu'ils étaient dangereux. Les putains d'autre guerre n’avaient pas eu besoin de robot pour assassiner, charcuter et faire des holocaustes. Sauf qu'eux en ont rien à foutre d'empoissonner les sources d'eaux ou de lâcher le nucléaire sur tout le monde. C'est très résistant un androïde. Et ingénieux. Un peu d'organisation et la ville étaient fichus, car elle les a mis partout. Ils pouvaient facilement avoir des otages. Ils pouvaient décider que le pacifisme était illogique et juste détruire la résistance humaine. Ils pouvaient prendre les usines d'assaut, envahir Cyberlife et se bâtir une armée. Nous n'avons pas de super héros pour stopper l'ère des androïdes. Et ça fait peur.

Et si c'était vrai? La science a vraiment réussi à recréer la vie sans biologie. C'est tout un bouleversement naturel. C'est des gens qui vont se permettre à jouer à Dieu. C'est créer des êtres vivants dans un monde déjà surpeuplé. C'est devoir offrir de l'espace, du travail, du matériel à des gens fabriqués alors qu'il y a des humains qui meurent encore dans les rues. C'est déjà la révolte alors qu'ils sont considérés des machines. Est-ce que c'est pourtant moral de refuser l'humanité à ceux éprouvant des sentiments parce que c'est compliqué? Non, pas des sentiments, ce n'est pas suffisant. On continue encore de consommer de la viande et l'on sait que les animaux épreuves de la peur devant le couteau. Alors l'intelligence. Parce qu'ils sont intelligents. Alors, on se fait une nouvelle civilisation de cette façon? On fait passer un test de QI et les imbéciles sont envoyés dans le désert pour qu'on donne leurs maisons aux androïdes? Ce n'est pas juste. C'est terrifiant. C'est un débat monstrueux dont on n’a rien appris avec Frankenstein.

Ils voudraient vengeance. Réparer l'injustice. Le pire, c'est que je comprenais totalement. Leur point de vue n'était pas si éloigné de l'esclavagisme, de combattre le fait qu'ils avaient des droits autres que servir et être abusé. La nuance très importance provenait du fait qu'ils étaient artificiels. C'est devoir faire un choix sans pouvoir tricher avec la soluce à disposition. Je pourrais aussi simplement suivre les ordres et laisser les commissionnaires décidés du comportement à adopter. Pourtant, il y avait quelque chose de mauvais à considérer des marcheurs pacifiques des criminels. Surtout en considérant tout le potentiel destructeur. Je ne suis pas à l'aise avec la situation. J'entends la sonnerie personnalisée de ma mère sonner dans le salon où j'ai laissé mon téléphone. Je dois ignorer tous les appels. J'ai la crainte du travail, car je n'ai aucune envie d'être confronté au choix. Mon niveau de stress est trop élevé. J'ai l'impression d'avoir une diode rouge me narguant. «Oh, l'humain est stressé, imagine-toi à notre place.» Je n'ai jamais été autant en conflit interne depuis mon opération finale. Je pouvais toujours tricher des raisons de santé pour éviter le conflit. Non, mon sens du devoir était trop grand. La vraie question était : envers qui?


Je ne me souviens pas. L'écran lumineux me diffusait l'image d'une photo de mon enfance avec de multitudes petites personnes en culottes courtes courant après un ballon. Pour être juste, c'est complètement normal qu'un adulte ne se souvienne pas de tous les moments où il allait botter dans un ballon. J'avais probablement oublié plus de la moitié des détails le lendemain. Pourtant, je ne reconnaissais personne. Physiquement, c'était aussi normal puisque tous les gamins étaient des chibis et personnellement, quelqu'un me dirait que l'enfant qui était moi sur la photo était quelqu'un d'autre, j'aurais pu le croire sans la passion de mes parents d'immortaliser ma vie dans beaucoup trop d'album. Cependant, il y avait des hésitations et des questions puisque mon cerveau et plus particulièrement mes souvenirs n'étaient pas des plus fiables. Ce n'était pas vraiment important. C'était juste une image nostalgique. C'était un adulte ayant partagé en ligne une mémoire figé. Je pouvais le faire avec beaucoup de photos de mon passé aussi, ce qui était rassurant. C'était pourtant ces quelques moments qui me faisaient défaut qui me rappelaient inévitablement ce que j'avais perdu. Après l'opération, de nombreuses personnes m'ont parlé sans que je ne sache la moindre information à leur sujet. Je pouvais comprendre leur déception. Ce n'était pas seulement des noms ou des visages, mais des existences entières qui avaient été effacées. Il n'y avait pas une gêne d'avoir oublié momentanément pour ensuite se souvenir avec quelques mots bien choisis d'une mémoire partager. Les enfants sur cette photo pourraient probablement mettre leur esprit en commun pour se remémorer des journées de jeux et je n'aurais rien à offrir. Ils se souviendraient du petit Carlos plus que je ne le pourrais. D'un mouvement tactique, l'écran change d'apparence et l'image hors de ma vue. Je peux voir dans le coin l'heure, quelques minutes avant que mon alarme planifier m'informe que je dois aller à mon rendez-vous médical mensuel. Il s'agit toujours d'une journée moins enthousiaste et franchement, parfois inutile. C'était rassurant pour mes parents. J'avais pourtant chaque fois la minuscule crainte d'une rechute. Tout était toujours parfait ou, comme le dirait le nouveau squatteur, «Optimal».  


Il y avait maintenant une poule dans la maison. En fait non, même avant ça, il y avait désormais un androïde et une poule dans la maison, tous deux invités à rester éternellement par Irina comme si je ne possédais pas la moitié de la demeure. Est-ce que je parie avec moi-même la nature du prochain résident? Le pire, c'est que je vais accepter, car j'ai été agréablement surpris par les deux. Il y avait eu d'immenses progrès avec feu nommé AX400 et dans l'instant présent, je ne pouvais nier qu'avoir une poule sur les cuisses en écouter la télé était vraiment chaleureux. Elle pondrait sur moi que je me sentirais honoré. La vie était plus active dernièrement. C'était bien. Je suis véritablement content. Ce n'est certainement pas ce que j'avais imaginé enfant quand je visualisais ma vie d'adulte.... c'est cependant un peu trop calme. J'appréciais la possibilité de me détendre, mais j'allais fondre sur le divan si j'étais plus relax. Temps de cacher les verres et tasses pour que la colocataire doive boire son café du matin à son réveil dans un bol ou s'abstenir. Je sens qu'un certain quelqu'un pourrait faire preuve d'ingéniosité pour m'aider dans cette tâche. Humanisation par petites étapes.