You should run | Ft. Llyold

C’est, comme toutes les autres, une journée de merde pour Gavin. Il n’y a rien d’intéressant à faire, à part de la paperasse qu’il a décidé d’abandonner pour le moment, après avoir écrit tout un blabla qu’il n’a absolument pas envie de relire et corriger. Il fera des heures supplémentaires pour terminer, même y rester toute la nuit s’il le faut, ce n’est pas un problème. Cependant, l’avantage notable de cette journée, c’est qu’il n’a pas vu ni la sale gueule de Hank, ni celle de Connor. Il espère sincèrement que ça va durer. Il espère même qu’ils ne reviennent plus jamais. Il prie pour que le robot se fasse percuter par une voiture sous les yeux consternés du vieux alcoolo. Une pensée plaisante qui le fait ricaner.

Sans androïde dans les environs pour le servir (putain de révolte), il se sent obligé de lever son cul et se diriger vers la salle de pause pour aller se servir un café lui-même. Il regarde le breuvage dégueulasse couler dans le plastique, étouffe un bâillement, tout en prenant le temps de questionner sa présence en ce lieu. Il aurait en effet pu quitter la police et se consacrer entièrement à la chasse aux robots, mais il y a quelque chose qui le retient ici. Il ne sait plus trop quoi, il perd de vue ses objectifs. Maman Reed ne serait pas heureuse. Mais maman Reed n’a pas toujours fait les bons choix elle non plus, elle ne peut rien dire.

Une grimace déforme ses lèvres. Il récupère son café et retourne à son bureau, se laisse tomber sur la chaise inconfortable. Gavin soupire bruyamment et s’apprête à se remettre au travail quand du mouvement attire son regard. Pas loin de lui se trouve un gamin qu’il n’a jamais vu, qui a l’air de chercher quelque chose ou quelqu’un. Il avise, pèse le pour et le contre ; c’est pas son problème, c’est pas son fort les gosses, mais en même temps il pourrait procrastiner…

- Eh gamin c’est pas la cour de récré ici, tu fous quoi là ? T’es trop con pour retrouver le chemin de ta maison donc t’as besoin de l’aide des flics ? T’as fugué et tu regrettes mais t’as trop honte pour retourner chez tes vieux, ou alors t’as tué un de tes potes et tu viens te dénoncer après l’avoir enterré au fond du jardin ?

Qu’est-ce qu’il en sait, après tout c’est déjà arrivé ces histoires. Il en a été témoin, (presque) plus rien ne l’étonne.

Ils se fixent. Gavin perd peu à peu patience à mesure que les secondes s’écoulent. Avant qu’il ne puisse manifester son mécontentement, le gamin répond enfin, et c’est à son tour d’hausser un sourcil. Il continue de réfléchir en regardant le plus jeune ; déformation professionnelle, il cherche des réponses. Il ne l’a jamais vu, et il ne ressemble à aucun de ses collègues… Il sait que ça ne veut rien dire, le gosse a peut-être prit plus d’un parent que d’un autre, ou alors… Il a été adopté ? Et puis, quel âge il a ? A vu d’œil c’est à peine un ado, c’est rare les adoptions à cet âge. Gavin fronce les sourcils.

-  Ton père ?

Il a posé la question par pure curiosité, et par envie de procrastiner. Si son père est flic, et qu’il est sensé être ici, c’est plus vraiment son problème. Sa chaise pivotante tourne pour qu’il puisse faire face au gamin, croisant les bras. Il ajoute avant que l’autre réponde :

-  Je t’ai jamais vu dans le coin, et tu ressembles à aucun flic ici… T’as été adopté pas vrai ?

Sans aucun tact, Gavin préfère aller droit au but pour avoir la réponse ; il a envie de savoir qu’il a raison. Il sait qu’il est bon policier, pas vraiment un génie mais loin d’être idiot, il se surprend pourtant à vouloir prouver ce qu’il vaut plus que d’habitude depuis l’arrivée de Connor dans le commissariat. Ça le bouffe. Il travaille durement pour l’Opposition, et pour la population de Detroit, autant par pure égoïsme que par envie de protéger les humains… Du moins, certains. Il n’est pas sûr qu’il tendrait la main à n’importe qui non plus, comme par exemple, totalement au hasard, quelqu’un qui ressemble de près ou de loin à son père niveau personnalité. Il n’est pas très empathique, et l’est encore moins pour des types pareil. C’est pour ça qu’il ne s’aime pas vraiment, Gavin. (Euphémisme).  

Gavin attend la réponse, aussi patiemment que possible, s’accoudant sur sa chaise pour pouvoir appuyer sa tête contre son poing, soupirant. Il déteste vraiment pas les gosses, non, il se dit juste qu’il a pas leur temps.

Pas le temps d’être insouciant – il l’a jamais été, Gavin -, pas le temps de réfléchir à quoi répondre à une question simple qu’on lui a posé, comme le gamin fait en ce moment même. Lui, il dit ce qu’il pense sans prendre le temps (il en a pas) de peser ses mots, comme si ce qui sort de sa bouche est automatiquement véridique. Gavin n’a jamais tort, point.

Comme si ça suffisait pas, la réponse longtemps attendue ne convient pas à l’inspecteur qui fronce les sourcils et continue de fixer ce gosse sorti d’il ne sait où. Gavin se redresse, le nez plissé par une expression agacée.

- Je suis inspecteur ici, si t’as pas capté, et c’est pas un lieu pour les gamins, clairement pas une aire de jeu tu vois ? Je vais pas te laisser trainer ici comme tu le souhaites sans savoir ce que tu veux, et savoir c’est qui ton responsable légal me permettrait de vérifier si t’es pas un de ces gosses qui viennent fouiner dans des endroits où ils devraient pas être… Oublie la question sur l’adoption j’en ai rien à foutre : c’est qui ton père ? Et c’est quoi ton nom ?

Tout compte fait, Gavin se dit qu’il pourrait bien détester les gosses. Ils peuvent être horripilent, il n’a pas assez de patience pour eux… Surtout s’ils sont tous comme celui planté en face de lui. Il se demande vaguement si c’est ce que son géniteur ressentait à son égard, retient un roulement d’yeux ; nah, même avec toute l’agacement que provoque ces humains miniatures chez lui, il lèverait jamais la main sur eux.