Unwanted visitor with way too many keys | Ian&Jay

J'ai regardé l'heure sur mon téléphone avant de me préoccuper de l'appel entrant. 5h12. Merde, il était si tôt pour recevoir un appel. J'ai ignoré la sonnerie, pas question de répondre. De plus, tout le monde savait que l'on n'avait qu'à m'envoyer un message si c'était important – et même la CyberHospital s'était plié à mon caprice. La pièce redevenait silencieuse et j'ai repris ma position initiale dans mon lit, en agrippant les couvertures que je passais sur mes épaules. J'avais envie de profiter de ces quarante-cinq minutes sous la couette avant que Ian (dans le rôle de mon réveil) vint me rappeler que j'étais attendu au travail aujourd'hui. Je me réjouissais du fait qu'il était beaucoup moins agressant que n'importe quel autre réveille-matin que j'avais eu, ce qui rendait mes journées beaucoup plus agréables. Je me suis rapproché un peu de Ian, lui partageant ma couverture, avant de mettre mon visage dans le creux de son cou en y déposant un baisé. J'aurais adoré profiter de la journée, étendu dans mon lit en compagnie de Ian. C'était la toute première fois que nous dormions ensemble et je commençais déjà à vouloir en faire une habitude. Je me répétais silencieusement que je ne devais pas brûler les étapes et d'y aller tranquillement, dans cette nouvelle relation délicate. Nous étions dans le calme et j'essayais de me rendormir en me concentrant sur la respiration parfaite de l'androïde blotti auprès de moi. Mes paupières devenaient lourdes et je me sentais enfin retomber dans les bras de Morphée.

Puis (ce qui me parut cinq minutes plus tard), Ian me réveillait pour me dire qu'on m'attendait à CyberHospital dans une heure. J'ai passé doucement une main dans les cheveux de l'androïde avant de me précipiter hors du lit. Si je ne voulais pas être en retard au boulot, je devais prendre une douche rapide et manger dans le taxi. Pas de temps à perdre, chaque minute comptait. J'attrapais quelques vêtements propres au passage puis je me dirigeais hors de ma chambre, regardant Ian une dernière fois avant de disparaitre dans l'embrasure de la porte pour me rendre dans la salle de bain. Ça me faisait tout drôle que Ian se trouvait dans mon lit et je ne pouvais m'empêcher de sourire rien qu'à y penser. Ouaip, je me considérais énormément chanceux par cette situation. Qui l'aurait cru ? Perdu dans mes pensées, j'ai passé un peu trop de temps sous l'eau. Merde. Je m'empressais de m'habiller en vitesse et de dévaler les marches de l'escalier deux par deux. Avec ma tablette, je me réclamais un taxi asap tout en essayant de satisfaire mon estomac affamé avec une pomme et des céréales. En deux temps trois mouvements, je souhaitais une bonne journée à Ian avant de sortir de la maison et sauter dans le taxi qui m'attendait dans la rue. Direction CyberHospital.

Mes rendez-vous ne m'ont pas attendu trop longtemps, quoique j'étais arrivé légèrement en retard. La prochaine fois, j'éviterais les distractions (bien que ce matin, j'étais tellement sur mon petit nuage que j'en avais oublié le temps.) Je me suis promis de finir plus tard pour corriger ma faute, je suis sûr que mes supérieurs ne s'en plaindraient pas, malgré que j'étais particulièrement impatient de revenir chez moi et être dans la paix et la solitude avec Ian. Entre les visites de mes patients dans mon bureau, je rêvassais à ma petite soirée. En m'armant de patiences, les heures de travail défilèrent rapidement, bien que rien d'exceptionnel ne s'était produit pour pimenter le boulot. Meh, pas de chance. J'ai sorti de l'ancienne tour de CyberLife et me suis dirigé vers le véhicule qui allait me ramener dans mon havre de paix.

Le trajet de retour a été rapide. Enfin arrivé à destination, je me précipitais à la maison pour y retrouver un Ian tout aussi craquant que ce matin. Je m'avançais vers lui, joueur, décidé de lui offrir le plus long baisé qu'il n'avait jamais reçus auparavant. J'ai pris son visage entre mes mains, le rapprochant davantage du mien, mais j'ai arrêté mon mouvement, stupéfait d'avoir entendu des pas derrière moi. Tel un suspect prit sur le fait par les autorités, lorsque j'ai entendu la voix imposante, je décollais mes mains des joues de l'androïde et je levais les bras à la hauteur de ma tête (un peu pour prouver que je n'étais pas armé). Je me retournais vivement pour faire face à l'intrus -et ainsi servir de bouclier humain à Ian, qui était derrière moi- et j'ai aperçu les cheveux roux d'Irina. En fait, Irina était aussi là (pas juste ses cheveux, sinon ce serait bizarre, si ?). Je n'avais pas tout à fait tort en croyant qu'il s'agissait de la police, mais voir la jeune femme débarquer à l'improviste me donnait une pointe de panique. Non pas pour sa présence elle-même, elle était toujours la bienvenue ici bien sûr, mais je m'angoissais en pensant à ce qu'elle avait vue. Disons que Ian et moi n'étions pas tout à fait « officiel » (je crois ? Je n'étais pas vraiment professionnel dans ce domaine pour savoir si c'était devenu officiel ou non). Je ne savais pas trop comment agir, ni trop quoi dire. Et à entendre son questionnement, je devais trouver une réponse rapidement.

« Je demandais à Ian si il avait faim, » a été la première chose qui me vient à l'esprit. Mais qu'est-ce que je racontais là ? « Non, je lui demandais si j'avais faim. » Je me détestais officiellement. « Je lui demandais ce qu'il avait préparé pour souper. N'est-ce pas, bro ? »

Loin de moi l'idée de vexer Ian, mais j'avais la nette impression que ma réaction abrupte était peut-être blessante. Je me mordillais l'intérieur de la joue, je savais pertinemment que j'avais dit une bêtise. Et puis, peut-être que le "bro" n'était pas tout à fait approprié. Je m'en voulais terriblement. Ne voyant plus le danger, j'abaissais les bras. À partir de ce point, j'avais totale confiance en Ian pour me sortir de ce moment embarrassant. Est-ce qu'il avait déjà parlé de nous deux à Irina ? Est-ce que Ian voulait garder notre relation secrète ? Des milliers de questions bourdonnaient dans ma tête. J'aurais dû avoir une conversation sérieuse sur le sujet avec lui, avant qu'une situation comme celle-là se produise. J'essayais d'éviter le regard interrogateur de la russe ; je suis certain que je ressemblais présentement à un chien qui avait fait une bêtise évidente. Mais moi, au lieu d'avoir détruit le canapé, on m'avait interrompu dans mon intimité.

Je m'étais approché de Ian, heureux de pouvoir enfin le voir après une longue journée éprouvante de travail. Outre les petits messages que nous nous étions échangés par-ci par-là, je n'avais pas vraiment eu l'occasion de lui parler depuis mon réveille. Ni de lui donner toute l'affection que je désirais lui offrir. Et reprendre où nous nous étions laissés ce matin était devenu ma priorité numéro un. C'est dans un élan de satisfaction et d'inspiration que je l'invitais à partager mon intimité, en prenant son visage entre mes deux mains pour lui donner le plus passionnel des baisers. En fait, c'est ce qui aurait dû se produire si je ne m'étais pas fait déranger par la police qui venait d'entrer par infraction chez moi, car en réalité, nous nous étions faits interrompe avant même que nos lèvres ne se rencontrent. Nos visages étaient cependant dans une proximité dangereuse avant que je prenne l'initiative de me retourner pour faire face à l'intrus qui venait perturber mon bonheur.

Je croisais le regard de Irina, qui affichait un vilain sourire. Comment devais-je réagir ? Je ne savais même pas si Ian voulait garder notre relation secrète – ou si notre relation était qualifiée de « officielle ». J'étais dans une situation des plus embêtante. Est-ce qu'elle avait vu ? Ou même compris ? Je me suis mis à balbutier, tentant de lui expliquer ce que ses yeux lui avaient permis de s'imaginer. Tentative d'échec, j'avais l'impression d'agrandir sa curiosité plutôt que de l'atténuer. Je priais intérieurement pour que Ian prenne la relève et me sorte de ce merdier. À voir la réaction de l'androïde, lui-même ne savait rien de cette visite. Elle n'avait donc averti personne de son arrivée. Son expression faciale et corporelle changea en quelques secondes ; Ian avait bien réussi à la faire revenir sur Terre. Parfait, j'étais sauvé ! Mais un petit détail m'a fait plisser le nez. Il proposait qu'on commande quelque chose à manger. Donc Irina allait encore rester longtemps ici. Je crois que c'était trop demandé d'avoir la paix pour une seule soirée avec Ian. Devenais-je trop mélodramatique ? Bien sûr que non ! Cette rousse entrait dans ma maison sans aucun préavis et par intervalles beaucoup trop rapprochés. Quelle idée de lui avoir donné les clefs de la maison (à noter que je ne lui ai jamais donné personnellement l'accès à la maison, c'était une idée de Ian, car il était toujours préférable d'avoir un proche qui avait des doubles, si quelque chose de malencontreux arrivais). J'avais cette envie de mettre Irina à la porte, de changer toutes les serrures et de passer une agréable soirée avec Ian en guise seule compagnie.

Mais le destin était tout autre lorsqu'elle proposa de commander du chinois. Bon c'était décidé, on allait faire affaire à la livraison, avec une Irina qui était déterminée à squatter chez nous. Je profitais de son moment d'inattention pour me retourner vers Ian et lui murmurer un « Je suis désolé, j'ai paniqué, » le plus silencieusement possible. D'ailleurs, avec le soupir que la rousse poussait présentement, il n'y avait aucun risque qu'elle m'ait entendu. J'effleurais discrètement les doigts de l'androïde avant de me rendre à mon tour sur le canapé où était si élégamment assise la jeune policière. J'allais lui répondre lorsqu'elle s'élança soudainement dans un discours. Je ne pouvais placer aucun mot dans son monologue. Et moi qui me croyais mélodrame, je n'avais décidément pas pris en compte les talents de "grande dame du théâtre" d'Irina.

« Irina… Irina. Tu ne nous déranges pas. Tu peux passer la soirée ici si tu le souhaites, » j'envoyais un regard en direction de Ian pour chercher son approbation. Mes espoirs de passer une soirée tranquille s'étaient maintenant envolés en poussière. Bon, avec toute cette mascarade, elle avait clairement besoin de parler à son meilleur ami, alors je n'allais pas faire mon possessif et lui refuser de parler à Ian, même si l'idée de m'enchantait pas du tout. Irina insista de plus belle sur le fait de commander et payer. Je me suis levé du canapé et j'enchaînais : « Je vais être dans la pièce à côté pour passer la commande, alors. Ne faites pas de bêtises. Et ce soir, tu manges à mes frais. Tu es chez nous, c'est la moindre des choses. »

Puis elle me lança un de ses regards qui me fient arrêter dans ma mission. Qu'est-ce qu'elle insinuait par « autre chose sur le menu » ? Je la regardais, embarrassé. J'ai même eu droit à un clin d'œil. Je n'ai été capable que d'articuler un simple « Hum… » maladroit avant de m'asseoir de nouveau sur le divan. Cette simple remarque me fit oublier que je m'apprêtais à téléphoner pour commander notre repas.

« Alors, c’est difficile avec… hum… AX ? » disais-je en essayant tant bien que mal d’oublier les précédentes paroles d’Irina, me remémorant qu’elle avait mentionné, un peu plus tôt, que la présence avec "AX" la meurtrissait. Puis soudainement, je m’exclamais en repensant à la nourriture que je n’avais toujours pas commandé : « Ah oui, le repas ! J’oubliais. Je reviens dans quelques minutes. » Okay, il était temps que je les laisse seuls, tous les deux, pendant que je passais mon coup de téléphone. Je me suis levé du canapé une seconde fois, portable à la main, pour me rendre dans la pièce d’à côté.

Je trouvais que Irina était… très unique et j'adimirais sa façon d'aborderait avec aucune gêne le pauvre introverti que j'étais. Ce clin d'œil qui m'était destiné, avec cette phrase ; comment devais-je l'interpréter et réagir ? Rigoler de sa "bonne" blague, peut-être ? Le seul rire qui émanait de moi, était celui de la nervosité. Ce petit rire que l'on faisait lorsque nous ne savions pas quoi faire d'autre. J'étais plutôt embarrassé par l'action qui amusait la rousse. Bon, au moins, je savais que ce n'était qu'une -mauvaise- plaisanterie. Je regardais Ian qui semblait autant apprécier que de désapprouver son amie. Et moi qui étais trop perturbé pour me défendre et réagir correctement. Un jour, je rassemblerais tout mon courage pour lui en lancer une aussi, et Ian en rira aux éclats. Je me faisais cette promesse.

Je me levais du canapé (la deuxième fois, puisque je m'étais assis une seconde fois à cause du malaise qu'avait occasionné la petite plaisanterie d'Irina) pour enfin aller commander notre petit soupé à l'improviste. J'entrais dans mon laboratoire en fermant la porte derrière moi. Téléphone en main, je composais ensuite le numéro et commandais des mets asiatiques pour deux personnes. Non, trois finalement, pour que Irina puisse en apporter chez elle ; la pauvre avait la peau sur les os, elle semblait mal nourrit. D'ailleurs, est-ce qu'elle mangeait ou la Russe ne carburait qu'aux cafés ? C'était un vrai mystère qui m'inquiétait sérieusement. Une fois la commande passée, on m'avertissait qu'il y aurait une trentaine de minutes à attendre avant de se faire livrer. Très bien, nous allions patienter un peu. Irina avait toujours plein de choses à dire (c'est normal, lorsqu'on avait une dizaine d'emplois… Je m'inquiétais de plus en plus de sa santé, c'était peut-être pour ça qu'elle était un peu "extrême" dans son comportement). Nous n'allions pas s'ennuyer, j'en étais persuadé. Je coupais enfin l'appel après avoir payé personnellement pour la nourriture.

Je restais encore quelques minutes dans mon laboratoire, à profiter du calme et de la solitude. Je m'enfonçais sur la chaise sur laquelle j'étais assis. Mon Dieu, ce silence me faisait le plus grand bien. Cependant, ce n'était pas parfait, préférant de loin être avec mon nouveau -et premier- petit-ami. Une soirée à être enlacé sur le canapé, emmitouflé dans une dizaine de couvertures, ça me semblait être le pur bonheur. Je soupirais ; il était maintenant temps de revenir au salon. Je me levais, ouvrais la porte (en prenant soin de ne pas la fermer complètement puisque Sunny venait d'entrer dans le labo, véritable petite ninja félin) puis je me dirigeais vers les deux bavards.

« J’ai manqué quelque chose ? » disais-je à l’attention de l’androïde et de l’humaine d'un air interrogateur.