Life is a canvas || Jeremy R.

J’habite dans un appartement avec ma sœur, à Détroit. Oui, Détroit, cette même ville où l’Opposition est présentement maître des rues. Les temps sont difficiles, presque invivables, il n’y a pas une journée où je ne pense pas déménager dans un lieu plus sûr. Cependant, je reste pour Fé, ma sœur, elle a besoin de moi dans ces moments de terreur. Pendant que la ville croule sous l’inquiétude et la peur, moi, je peins pour garder la tête haute. Je déborde d’inspiration, mais la peinture qui recouvre mes toiles est plus sombre, plus sinistre. Je ne les aime pas, mais elles se vendent très bien (je suspecte que l’Opposition décore leur quartier général avec mes œuvres).

Avant que tout soit noir, j'étais quelqu'un de joyeux et passionné. J'avais la plus aimante des familles, j'étais le fruit de l'union entre Marissa et Greg Reid, deux êtres complètement radieux. Ma mère, étant avec un autre homme avant la rencontre de mon père, avait un autre enfant. Phoenicia, son prénom, mais je préférais l'appeler Fé. Mes parents nous cessent de nous dire que depuis ma naissance, elle et moi sommes inséparables. D'ailleurs, le premier mot que j'ai prononcé fût « Fé », d'après mes parents ! Un souvenir dont je ne me souviens pas, mais que je trouve infiniment beau. Notre relation était l'une des plus belles et enrichissantes. Au fil des années, Fé me transmit sa passion pour la peinture et de dessin. Nos séances artistiques étaient devenues une priorité presque religieuse ; à chaque jour nous créions des œuvres que nos parents affichèrent sur les murs avec fierté.

À l'école, je me démarquais pour mon côté créatif ; ayant un caractère introverti, les arts m'aidaient à m'exprimer. C'est en commençant le lycée que je décidais enfin de mettre ma gêne derrière moi pour devenir la personne que je suis aujourd'hui. (Ne vous trompez pas, je n'étais pas délinquant, mais je ferais n'importe quoi s'il arrivait malheur à ma sœur.) Il m'était maintenant devenu plus facile de me faire des amis. Durant ces années, je me suis fait plusieurs petites amies qui prétendaient m'aimer, mais jamais rien de très sérieux. D'ailleurs, ma relation la plus longue ne dura que quelques mois et s'est ainsi terminé lorsqu'on me traita d'insensible. J'ai rapidement compris qu'être en couple n'était pas une chose pour moi, bien que je continuasse à accumuler les relations sans vraiment y trouver l'âme-sœur. Maintenant à l'Université, j'intégrais la branche des arts ; ce qu'aurait dû faire Fé au lieu de prendre le parcours psychologique. Je l'ai fait pour elle. Du coup, ce que j'apprenais, je pouvais lui transmettre, comme elle le faisait lorsque nous étions gamins.

Ma vie d'universitaire lambda changea radicalement en 2038 lors de la manifestation de Markus. Le monde était anxieux, et avec raison. Apprendre que l'homme avait créé une nouvelle forme de vie, c'est difficile à digéré. Surtout quand cette dite intelligence est clairement supérieure à nous. Et mon opinion dans tout ça ? Je proclamais haut et fort que je les soutenais dans leur droit. Je croyais fortement que l'on pouvait développer une intelligence et de l'émotion dite humaine. Et le baisé qu'avait échangé Markus et North lorsque tout était sans espoir, n'en était-il pas la preuve ? D'ailleurs, je suis plus qu'heureux que les androïdes aient gagnés dans cette révolution passive. Cependant, la majorité de mes professeurs étant des androïdes, un nombre incroyable avait donné leur démission pour refaire leur vie comme ils le désiraient. Du coup, vous comprendrez que mes études durent arrêter jusqu'à temps qu'on trouve professeur et enseignant disponible pour combler les postes vacants. Pendant cet arrêt, je me trouvais un petit boulot comme barista dans un café, pas très loin de l'université, aillant en tête lorsque les cours allaient reprendre, je pourrais continuer à travailler.

Mais rien ne reste toujours calme à Détroit. En 2039, soit un an plus tard, il eut massacre où androïde et pro étaient ciblés. Pendant cette nuit fatidique, je travaillais et je pus voir l'horreur au travers de la vitrine du café. L'établissement ne fut nullement touché, mais les événements que j'ai assistés reste gravés dans ma mémoire.