Do Androids Dream of Electric Sheep?

En 2016 la population mondiale se fichait pas mal des androïdes. Les gens étaient bien plus inquiétés par le réchauffement climatique. Francis est né en mai dans la ville de Detroit, Michigan. Sa mère était célibataire, elle a élevé son enfant seul, et pas de la meilleure des façons. Il a peu de souvenirs de son enfance, n’a jamais connu son père. Sa mère le laissait un peu trop tout seule, elle était jeune, peut-être trop jeune pour s’occuper de lui. Elle appelait des baby-sitters pour s’occuper de lui tandis qu’elle sortait faire la fête. Au fur et à mesure que Francis grandissait, Catherine semblait de moins en moins avoir l’envie de s’occuper de lui. Cela lui donna l’occasion de, très tôt, se débrouiller seul, comme un grand, pour pouvoir survivre. Préparer ses propres repas, même si ceux-ci consistaient parfois de céréales et de parte à tartinée sur des toasts (le grille-pain est un allié de choix), ou de petits plats déjà préparés, histoire d’avoir quelques légumes.

Quand les androïdes commencèrent à être commercialisés un peu partout dans le Michigan, Catherine se lamentait de ne pas en avoir. Elle s’était tournée, suite à son récent licenciement, vers une nouvelle drogue. Francis, à peine ado dès lors, se jura de ne jamais toucher à cette cochonnerie. S’était installé alors un terrible jeu. Les lamentations sur son inhabilité à récupérer un androïde pour s’occuper de la maison rendaient sa mère en colère, Francis trouva donc l’idée de se comporter comme un androïde pour la calmer. Cela commença par des mouvements robotiques, imitant l’accomplissement des tâches d’un vieux modèle, changeant les esprits de sa mère pendant quelques temps. Il l’aimait toujours à cette période-là. Les journées étaient simples, Francis se levait, allait en cours par ses propres moyens, puis revenait de l’école en endossant le rôle d’un androïde. Il savait pertinemment que sa mère serait en train de fumer dès qu’il rentrait.

Tant dans son rôle, au fil des années, que Francis fut motivé d’apprendre différentes recettes de cuisine, ou d’autres compétences utiles à l’entretien de la maison. C’était pour rentrer un peu mieux dans son rôle, pour éviter que sa mère ne s’énerve de trop du fait de ne pas avoir d’androïde (et encore moins contre lui). Quelques années plus tard, il se décida à simplement prendre la carte de crédit de sa mère pour gérer les finances, et s’acheter sa propre veste d’androïde. Dans la boucle, Francis ne se rendit pas vraiment compte du problème, parce que finalement, tout le monde y gagnait. Sa mère avait son androïde, débarrassé de l’enfant dont elle ne semblait jamais avoir voulu, et lui pouvait évoluer dans la maison sans trop de problèmes. Parfois, le fait d’être un androïde ne suffisait pas à arrêter les occasionnelles claques et frappes, mais elles ne laissaient que peu de marques sur son corps, qui ne tournait pas blanc plastique.

Francis commença à chercher les traces de son père qu’il n’avait jamais connu vers ses dix-sept ans. La piste était assez mince, mais heureusement, il avait le temps. Entre les cours, dans les trajets du bus sur son portable, chez lui après que toutes ses tâches étaient accomplies. Quand il finit par trouver la piste de son père, à New York, il décida d’y aller pour toquer à sa porte. Il était alors tout juste légalement un adulte, pendant les vacances scolaires de sa dernière année de lycée. Cependant, ce qu’il trouva à New York ne fut pas plus agréable. Un père policier, qui ne le reconnaissait pas comme son fils, qui ne voulait rien à voir avec lui, qui refusait totalement d’avoir eu un quelconque lien avec sa mère. Pour lui prouver qu’il avait tort, Francis décida de lui-même devenir policier.

Pour cela il entra dans un collège communautaire pour tenter de passer un diplôme en deux ans en application de la loi qui lui permettrait ensuite de travailler dans la police. Malheureusement… Son comportement au sein de la faculté laissait à désirer, à cause de la façon dont Francis pouvait ‘sortir du lot’, puisqu’il avait tendance à se renfermer dans l’idée qu’il pouvait être un androïde. Ignorant soit ses propres limitations physiques, se faisant maltraité par des étudiants un peu plus en forme que lui, ou simplement en utilisant divers accessoires qui n’étaient pas admis d’après le personnel de l’établissement. Ses notes n’étaient pas non plus des meilleures, sa condition physique non-optimale pour entrer dans les forces de l’ordre.

Finalement, au bout de la seconde année, Francis n’eut pas d’assez bonnes notes pour valider son diplôme et ne réussit pas à entrer dans la police. Ses problèmes avec les autres étudiants, ainsi que ses ‘spécificités’ ne tendirent pas non plus vraiment en sa faveur. En 2036, sans aucun travail ni diplôme en poche, avec une mère toujours aussi insuffisante, Francis craqua cette petite bulle protectrice d’identité androïde pour laisser place à une colère dévastatrice, dont il n’avait pas idée qu’elle existait. Renversant les meubles, poussant la femme qui l’avait maltraité depuis son enfance, il claqua finalement la porte de la maison de sa mère. Avec une seule valise et un PC, Francis sortit sous la pluie avec assez d’argent pour durer quelques semaines. Peut-être qu’elle reporta aux autorités avoir perdu son androïde.

La priorité de Francis fut bien évidemment de trouver un travail, mais les androïdes avaient remplacé la plupart des jobs les plus faciles et les plus manuels. Le jeune homme dû se résoudre à tenter de vivre dans la rue, allant dans certains cafés qui avaient du Wi-Fi pour tenter de trouver un travail sans grand succès. Dans certains cas, le jeune homme se fit tout simplement passer pour un androïde, LED à sa tempe et veste sur les épaules. Il se fit finalement embauché en temps qu’humain dans un des bars anti-androïdes, ce qui lui permit de gagner un peu d’argent, malgré les attentions parfois envahissantes de certains clients. Il fut bien évidemment forcé d’apparaître humain, ce qui laissa Francis avec un petit goût amer.

Quand les androïdes commencèrent à désobéir en 2038, le jeune homme avait récupéré assez d’argent pour se trouver un appartement médiocre plutôt proche du centre-ville, dans une de ces rues encore épargnée par la nouveauté et la technologie. Les tensions entre les androïdes et les humains grimpant, Francis fut licencié pour être beaucoup trop ‘pro-androïde’, par rapport au reste de la maison. Le taux de chômage étant conséquent, le jeune homme n’essaya même pas de tenter de retrouver un travail. Il décida plutôt de mettre à profit les choses qu’il avait pu apprendre lors de sa classe, car même s’il ne pouvait pas être flic, il pouvait toujours fouiner en tant que détective privé. Bien sûr, il y avait plus sympathique comme job que de rester planté six heures au coin d’une rue pour regarder si monsieur allait tromper madame au Eden Club. Mais tant qu’il était payé, Francis ne se plaignait pas.

Sa capacité pour se faire passer pour un androïde était plutôt pratique, il n’était personne, pouvait se faire passer pour tout le monde. Ce n’était pas beaucoup d’argent cependant (étant donné son âge, même s’il mentait sur ses expériences auprès des clients, on ne le payait pas beaucoup et les clients restaient suspicieux). Souvent Francis dû demander un peu plus de temps pour espérer payer son loyer à son propriétaire, mais il y avait un certain équilibre. Il se rendit compte, avec les enquêtes, que certains des androïdes devenaient effectivement conscients de leurs actions. Cela l’amena à croiser le chemin d’un PC200 vraisemblablement déviant. Francis avait créé un site web plutôt bien répertorié, afin de pouvoir récupérer des clients, et le PC200, Aaron, s’était trouvé là grâce au site. Prit d’affection, Francis le laissa prendre un peu de place dans son appartement, trouvant ses aides pour ses investigations très utiles.

Ils enquêtèrent sur de nombreux déviants disparus que certaines familles plutôt aisés avaient perdus. Au fil des enquêtes cependant, Francis se rendit compte des conditions dans lesquels les androïdes semblaient devenir déviants. Le PC200 et lui devinrent de plus en plus proches, l’androïde n’étant pas foncièrement dérangé par les particularités de Francis, naviguant entre curiosité et rires gênés. La disparition de ces autres androïdes déviants semblait tout de même largement incompréhensible. Partagé entre l’idée de les laisser libres ou d’avoir de quoi manger le jour suivant (une grande majorité des demandes étaient à ce propos-là, quand la police ne semblait pas avoir de réponse), Francis et le PC200 entrèrent dans une relation plus froide. Lors d’une énième dispute, Aaron décida de simplement partir. Après tout, le PC200 n’appartenait pas à Francis, ils avaient toujours été égaux dans leur relation. Le jeune homme le vit comme un abandon terrible, se renfermant un peu plus dans ses obsessions, il se convainquit avec succès que s’il avait été abandonné, c’était parce qu’il n’était pas un androïde.

Ce qui était vrai au fond, sans le besoin de manger pour vivre, et donc d’argent, Francis n’avait aucune possibilité d’arrêter son travail. Après ce deuil, le jeune homme mit toute son énergie dans la recherche de Jericho, ce havre de paix dont certains déviants parlaient, conscient que ce serait peut-être certainement la clef de tant d’enquêtes de disparition d’androïdes. Il mit beaucoup trop de temps, puisque les forces de l’ordre furent plus rapides que lui pour trouver le bateau. Il apprit à travers la radio de chez que le cargo avait coulé, et que de nombreux androïdes furent tués dans le raid.

Alors que la ville entière se faisait paralyser, Francis se fit passer pour un journaliste afin d’être aux premières loges de la résistance pacifique de Markus, devant les centres de rappel. Il fut dévasté de voir qu’Aaron ne s’y trouvait pas, mais récupéra quelques photos, dans l’espoir de pouvoir rendre au plus vrai la situation et la fin des androïdes. Pour la mémoire de tous ceux qui avaient péris, de ce qu’il considérait, quelque part, comme les siens, plus que ses semblables humains. La paix ramenée grâce à l’intervention du président Warren et de l’armée du RK800 intelligemment récupéré de la tour CyberLife marqua un tournant pour tout le monde.

Mais la vie ne changea pas des masses en 2039. Le chômage restait, les androïdes étaient payés, et son travail de détective privé s’en voyait un peu plus grignoté, puisque personne ne perdait plus ses androïdes. Il y avait cependant un peu plus de clients, puisque les androïdes avaient la possibilité de requérir son aide. Francis se mit donc à écrire un bouquin pour relater de ses découvertes et de son voyage en tant que détective privé de ces dernières années. Cela lui valut un petit boost de popularité, même si le livre « The Great Android’s Deviancy Investigation » n’était pas si connu du grand public. Il n’avait ni utilisé son vrai nom (se faisant donc appeler M aussi ici), ni une photo de lui pour sa quatrième de couverture. Il ne crachait pas sur l’argent de ceux qui l’achetaient.

Il s’invita secrètement à quelques rassemblements d’androïdes, se faisant passer pour un modèle, tant qu’il ne joignait pas sa main à celle des autres (et que ces androïdes ne soient pas dotés de capteurs révélant sa température ou son rythme cardiaque). Ceux qui savaient que Francis était humain se sentaient parfois dégoûté ou au contraire, curieux qu’un humain puisse avoir une telle lubie. Certains ne disaient rien, d’autres ne l’acceptaient pas. Il proposa aussi d’héberger quelques androïdes qui n’avaient nulle part où aller, sans échanger de quoi que ce soit (mais il avouait, récupérer un peu d’argent ne lui faisait pas de mal). Son attitude pro-déviant n’était pas tant connue que cela chez les humains.

Avec le massacre dont il fut épargné par chance (après tout il restait un nobody), Francis reprit ses investigations de plus belles pour essayer de découvrir qui était le nouveau groupe terroriste. Le jeune homme était donc en recherche d’un partenaire de travail, préférablement androïde, afin de continuer son job face à la concurrence. Et aussi pouvoir manger et survivre dans ce monde toujours aussi cruel et implacable.